Chapitre 22

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Je ne fais toutefois pas cinq mètres en direction de ma cible. Aussi rapide que moi, Allan m'intercepte, plaque ses bras et son torse contre moi comme pour former une cage de son corps, et m'entraîne loin d'Amada. Sa course s'échoue contre le mur près de mon lit, et je ne retiens pas mes cris de protestation lorsque mon visage atterrit sur la roche froide.

— Lâche-moi ! Putain, Allan, laisse-moi me charger de son cas !

L'étau qu'il forme sur moi se resserre en réponse, ce qui me fait rugir plus fort. Je me débats, sans y mettre trop d'énergie cependant. Je refuse de lui faire du mal, quand bien même son attitude immédiate m'insupporte. Je compense donc en grognant et hurlant de plus belle, le regard braqué sur le faciès enjoué de la sirène.

— Relâche-moi, bon sang !

— Calme-toi, s'il te plaît, me demande-t-il, un léger accent dur dans sa voix posée. Ça ne servirait à rien, Eleuia.

— Si, à soulager mes nerfs !

Le soupir de l'hybride s'écrase quelque part dans mes cheveux alors que je gigote un peu pour trouver une faille dans sa prise. Force m'est vite de constater que ses instincts guerriers et les nombreuses leçons prodiguées par mes soins ou ceux de Sander portent bien leurs fruits. Il sait très bien désormais comment neutraliser son adversaire et le garder prisonnier de son étreinte d'ours. J'ai peu de marge de manœuvre pour le contrer, à moins d'employer les grands moyens. Il se sert de tout son être pour ce faire, rien n'est négligé, de ses bras retenant les miens contre la paroi, à ses jambes et hanches bloquant l'ampleur de mes mouvements.

L'espace d'une seconde, je ressens un profond sentiment de fierté pour lui. Il est devenu un vrai combattant doué dans la lutte. Mais l'instant d'après, ce sentiment est balayé par un autre, plus intense, plus ardent... Notre proximité réveille la vague de chaleur dans mon bas-ventre. Son corps qui pèse sur le mien, ses mains pressées sur mes doigts... Cela m'évoque des images bien précises, qui mettent en scène un tout autre type de rapprochement entre nous. Mon cœur fait une embardée dans ma poitrine alors que je m'autorise à savourer cette étreinte insolite. Ce moment fait partie des rares contacts prolongés entre mon lié et moi. Mon état de manque est si puissant qu'en un sens, j'en viens à ne pas faire la distinction entre mes câlins – trop sages – de réconfort et ce plaquage défensif ; tout ce qui compte, ce sont nos corps enlacés et mon désir délirant de nous voir aller plus loin.

Je ferme les paupières avec un long soupir, des réminiscences de nos sulfureuses étreintes plein la tête. Mais lorsque je rouvre les yeux, je tombe sur le rictus narquois d'Amada, comprenant ainsi trop tard mon erreur. Je grommelle et remue à nouveau contre Allan.

— Relâche-moi, maintenant, lui lancé-je sur un ton moins brusque.

— Tu es encore trop en colère pour que je le fasse, argue mon lié.

— Que tu me tiennes ou non, je serai toujours en colère. Elle me met hors de moi, craché-je en désignant du menton la onzième plaie du monde.

— Ça ne va pas m'aider à te lâcher, ça.

Et moi, c'est ce que tu fais qui ne m'aide pas !

Je souffle puis mords ma lèvre inférieure pour tenter de faire à nouveau abstraction de mon désir croissant. Je ne dois pas me focaliser sur lui, sur son odeur qui m'enveloppe, sur ses bras robustes...

... Sur ses baisers langoureux, sur son sexe grossissant en moi, sur nos râles de plaisir...

Merde ! Je ne vais jamais y arriver.

Anien Don II - En Eaux TroublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant