Épilogue

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— Vous êtes sûrs de vous ? vérifié-je en réfrénant un sourire soulagé sur ma bouche.

— Ils ont été formels : nos dernières troupes sont sur le retour et victorieuses ! s'exclame l'un des deux soldats qui vient de faire irruption au milieu du conseil.

— Et si l'on s'en tient aux rapports de nos informateurs de ces derniers jours, tout va pour le mieux, il n'y a plus rien à signaler, surenchérit son accompagnateur avec un sourire confiant.

— Vous pouvez faire confiance aux informateurs, assure Dren sur ma droite avec un clin d'œil, je les paye bien pour leur travail.

Quelques murmures se manifestent autour de notre table, et il suffit d'une poignée de secondes pour qu'ils se transforment en vrombissement joyeux, mais incrédule. Je les regarde tous un à un, le même élan courant dans mes veines, puis me lève lentement de mon siège. Mon cœur bat fort sous ma peau, j'ai l'impression qu'il va s'extraire de ma poitrine à ce rythme-là ! Je ferme les yeux, concentré sur ses pulsations et l'énergie qui vibre en moi. J'ai du mal à réaliser que ce jour est enfin arrivé... Nous savions que la fin était proche, que nos efforts allaient être récompensés, mais pas que ce serait aujourd'hui. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à ne pas y croire encore, car toutes les silhouettes à mes côtés se sont figées, l'air d'attendre, d'espérer, que je prononce enfin les mots qui donneront vie à cette réalité.

— La guerre est finie, soufflé-je alors sur un ton bas, mais émerveillé.

L'explosion de joie de mes conseillers retentit dans toute la salle et se répercute même dans les couloirs alentour. Montés sur ressorts, ils crient, s'esclaffent, se donnent l'accolade. Ils sont transportés par l'allégresse, libérés de ce poids commun qui pèse depuis quelques années maintenant sur nos épaules. Plus soulagé que jamais moi aussi, je me renverse dans ma chaise et pose l'arrière de mon crâne sur l'appui-tête. Un profond soupir franchit la barrière de mes lèvres.

Voilà près de trois ans que Jarlath est mort et que nous menons la chasse à ses derniers adeptes. Ces trois années ont connu leurs lots de combats elles aussi, car Eleuia avait vu juste en pensant qu'il pouvait rester un ou deux meneurs charismatiques dans les rangs ennemis. Nous en avons débusqué un premier peu de temps après l'affrontement au QG, et si les luttes contre lui et ses sbires ont été éprouvantes, nos renforts venus d'Europe ont été d'un soutien remarquable. Quelques jours ont suffi pour que nous réussissions à dissoudre cette compagnie. Les deux autres leaders, eux, ont été plus prudents, ils se sont moins laissés emportés par la rage de voir leur maître mort et embroché sur une pique. Ils se sont montrés plus réfléchis en adoptant l'une des stratégies préférées de Jarlath en son temps : le jeu du chat et de la souris.

Nous les avons pourchassés sans relâche, eux et leurs régiments, avons lutté et causé un maximum de pertes, mais ils nous ont demandé plus de temps et de persévérance... Et durant tous ces mois d'acharnement, nous avons aussi dû nous assurer que nos stocks d'armes et de nourriture restent constants ; nous devions gérer nos pertes et l'arrivée de nouvelles recrues ; nous nous tenions informés de la vie au manoir lorsque nous étions à l'autre bout du continent, de celle dans nos clans amis... Logistique, pragmatisme, coordination et gestion ont été notre quotidien laborieux, en plus des combats.

Mais trois ans plus tard, alors que je tiens un énième conseil au domaine pour faire le point sur notre situation et celle de nos alliés et qu'Eleuia bat la campagne, la nouvelle est tombée. Le dernier meneur encore en vie, celui qui avait pu s'échapper pendant que ma liée réglait son compte à son comparse, n'est plus, lui aussi. Tous les leaders sont morts, alors les soldats restants se sont rendus ou enfuis, apeurés et esseulés. C'est fini. La guerre est terminée.

Anien Don II - En Eaux TroublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant