Chapitre 26

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— Tu es sûre que le coin est tranquille ? m'interroge Allan alors que nous arpentons un couloir de l'aile nord.

— Certaine. Le manoir a beau accueillir plus d'habitants qu'à l'accoutumée, cette partie-ci, et surtout cet étage-ci, reste peu fréquenté. C'est bien pour ça que j'ai demandé à Dren de s'installer ici.

Marchant côte à côte, je vois du coin de l'œil le hochement de tête de mon lié. S'il semble satisfait de ma réponse, il ne relâche pas pour autant son attention. Il furète de droite à gauche et tend l'oreille, vigilant quant aux bruits qui pourraient annoncer l'arrivée de quelqu'un. De mon côté, je garde une prise ferme sur mon bâton télescopique et veille à toujours me placer avant lui devant les tournants de ce dédale. Juste au cas où.

Logiquement, nous ne devrions pas tomber sur une quelconque mauvaise rencontre, mais j'ai une passion toute particulière pour le dicton « Mieux vaut prévenir que guérir ». Jusqu'à présent, notre traversée d'aile en aile s'est bien passée, nous avons eu la chance de ne croiser personne. Désormais, il ne nous reste plus qu'à trouver l'endroit où a échoué l'incube, vu qu'il n'est pas dans la chambre que je lui avais attitrée.

Tous mes sens en alerte, je passe près de chaque porte et me sers de mon odorat pour repérer sa trace. L'agacement pointe son nez à mesure que nous avançons. Bientôt, il ne restera plus de portes à tester et il est hors de question qu'Allan et moi partions à la recherche de Dren dans tout le domaine. Nous devons d'abord trouver du soutien avant d'aller voir le reste des habitants.

— Mais où est-il, bon sang ? marmonné-je, de plus en plus tendue.

Une poignée de secondes plus tard, ce n'est pas mon odorat qui me fournit une réponse, mais mon ouïe. De légers éclats de voix résonnent depuis le fond du couloir, derrière l'un des derniers battants clos. Interpellée, j'échange un bref coup d'œil avec Allan, puis je me dirige vers la pièce et écoute avec méfiance. Je finis par lever les yeux au ciel en reconnaissant bien vite les propriétaires des voix et fais signe à mon lié de me rejoindre. J'ouvre sans frapper et entre dans le petit salon où Dren est avachi sur une ottomane, et où Amada est assise en face de lui, une tasse de thé à la main.

— Tiens ! s'exclame l'incube en faisant un large geste du bras pour nous saluer. On ne vous attendait plus !

Je referme derrière nous tandis qu'Allan s'approche doucement de nos hôtes.

— Tu as meilleure mine, chéri, ça fait plaisir à voir ! s'enthousiasme encore Dren en jaugeant mon lié. Tu m'as fait un peu peur, tu sais ?

— Comment vas-tu, Dren ? s'enquiert Allan avec un sourire.

— On peut savoir ce que tu fiches ici plutôt que dans ta chambre ? m'interposé-je, de mauvais poil. Tu sais que c'est risqué pour Allan et moi de nous déplacer dans le manoir !

— Ohla, ohla ! Du calme, ma belle ! Range-moi tout de suite cette mauvaise humeur, je n'ai rien fait pour la déclencher.

Je soupire alors que l'incube lève les bras, paumes en avant pour m'apaiser. J'ai bien conscience d'exagérer, mais on ne peut pas dire non plus que cette situation soit simple à gérer. Après tout, je ne suis plus libre de circuler comme bon me semble dans ma propre demeure à cause des tensions et des désaccords houleux qui existent entre les autres et moi...

— C'est bon, je suis désolée, soufflé-je, mon arme rengainée. Je me suis emportée...

L'incube se détend lui aussi et pivote son regard vers Allan.

— J'aurais pourtant juré que votre long tête-à-tête l'aurait complètement ramollie. Vous n'aviez pas l'air de jouer aux cartes quand je suis passé tout à l'heure pour...

Anien Don II - En Eaux TroublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant