Domaine, Comté de King, 2018
— Comment était ta vie en orphelinat ?
Ma question fait se dresser un sourcil sur le front d'Allan. Sa tête soutenue sur un coude, mon lié plonge ses prunelles lumineuses dans les miennes alors que je me redresse à mon tour sur mon lit.
— Pourquoi cette question soudaine ? souffle-t-il, un demi-sourire naissant sur sa bouche.
— Je ne sais pas, fais-je, une épaule haussée. Tu parles parfois de tes années en famille d'accueil, mais pas de celles en orphelinat... Ça me rend sans doute un peu curieuse.
Je me mords l'intérieur de la joue après avoir lâché ce doux euphémisme. Je ne suis pas qu'un peu curieuse, je brûle et j'ai soif d'en apprendre toujours plus sur lui. Notre important rapprochement depuis notre tête-à-tête ne fait que confirmer la sorte d'obsession que m'inspire Allan. Lui ne relève rien, croyant mes dires, mais je me tance en mon for intérieur. À nouveau, mes désirs contradictoires me tiraillent, l'un voulant arrêter cette mascarade de détachement, l'autre désirant la poursuivre pour me préserver.
Te préserver de quoi ? Du bonheur ?
Quelque chose d'approchant, oui... Je ne suis pas assez familière avec pour être catégorique, cependant le bonheur doit forcément être de cette couleur bleue limpide et posséder la même douceur de caractère, le même éclat dans son sourire que l'hybride qui me fait face. Ça me paraîtrait logique, comme tombant sous le sens.
Mais si le bonheur existe, sa part d'ombres aussi ; dans mon cas, elle se traduit par cette peur incommodante et terriblement angoissante à chaque fois que je pose les yeux sur Allan. L'un ne semble pas aller sans l'autre et hélas, leur puissance s'égale dans mon esprit...
Mais pas dans ton cœur.
— Je ne vois pas trop ce que je pourrais te raconter là-dessus, intervient sa voix incertaine, ce qui a le don de ramener toute mon attention sur lui.
— Est-ce que tes séjours s'y sont bien passés, par exemple ? Est-ce que tu en as de bons souvenirs ? le relancé-je avec délicatesse en me rapprochant un peu.
— Ce n'était pas infernal, réplique-t-il avec humour sans que son rictus n'atteigne ses orbes, cela dit. J'avais du mal à me lier aux autres enfants et adolescents... Quant aux adultes qui nous encadraient, tous n'étaient pas toujours disposés à s'occuper ou faire connaissance avec un garçon aussi renfermé et solitaire que moi.
— À quel âge étais-tu dans ces centres ?
— À huit, dix et treize ans. J'étais plus balloté de famille d'accueil en famille d'accueil, ce qui était bien mieux... Je ne restais que quelques mois en centre. Et il y a eu des périodes plus chouettes que d'autres en leur sein aussi.
— Tu dessinais déjà à l'époque ? m'intéressé-je après une courte pause.
— J'ai toujours dessiné, me confie-t-il avec un vrai sourire cette fois. Ma mère... elle dessinait aussi et je crois bien qu'elle gardait toutes mes esquisses précieusement dans un meuble, chez nous.
Allan fronce un peu les sourcils et analyse cette réminiscence, je le vois à son air plus concentré. C'est le même que celui qu'il arbore lorsque Sander l'interroge sur les conflits et conquêtes de nos peuples à travers les âges. Je ne résiste pas à l'envie de passer mon index sur la ride que ce geste lui creuse entre les yeux. Instantanément, ces derniers se braquent sur moi puis naviguent sur mes traits posés. Sa main attrape la mienne et se pose entre nous, ses doigts caressant mes phalanges, puis il reprend :
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Anien Don II - En Eaux Troubles
ParanormalSUITE DE "ANIEN DON I - ENTRE DEUX MONDES", IL FAUT LIRE LE TOME 1 AVANT CELUI-CI Eleuia est une combattante aguerrie. Chaque fibre de son être, jusqu'à la moelle de ses os, a été régentée pour la lutte. Hybride mi vampire, mi sorcière millénaire...