Sur son cheval blanc tacheté de gris anthracite, Edouard de Vendôme s'engageait dans une partie de chasse pleine d'ardeur. De son arc, il entreprit de positionner sa flèche afin de ramener aux seigneurs du château de Blois, une délicieuse biche pour fêter son arrivée. C'était une cible difficile, cachée dans les fourrées et la végétation dense de la forêt. Mais la pression de la corde et la pointe saillante, tel un dars prêt à empoissonner sa proie, lui assignait une volonté sans faille.
Il visa sa cible, sentant le cœur de la bête battre à travers le sien, un désarroi s'emparant des ombres ténébreuses de son être. Il se concentrait pleinement sur sa proie tandis que l'émotion d'ôter la vie lui parvenait déjà... Il n'était pas d'une cruauté infâme. Mais le plaisir d'embrasser le succès, quel qu'il soit, était toujours suprême face à la culpabilité de tuer. Il ne lui restait plus qu'à laisser sa flèche siffler dans le vent, tracer son chemin entre les écorces et les branches de chêne, et atteindre la bête en pleine poitrine... A cet instant, il retint son souffle.
- Duc de Vendôme ?
Il lâcha sa prise sur l'arc et la flèche fut délivrée avec étourdissement. Elle manqua sa cible qui s'enfuit, alertée par le bruit du coup porté. L'extrémité avait jailli jusqu'à un tronc d'arbre, s'enfonçant profondément. Edouard poussa un soupire. Il empoigna les rênes et fit pivoter son cheval, apercevant l'homme qui l'avait interpellé. Il eut un fin sourire.
- Monsieur le Duc de Guise... Que me vaut votre honorable présence ?
- Dois-je penser que vous espériez la venue d'une autre personne ?
- Ne vous méprenez-pas, mais la vue d'une jeune femme en jupons perdue dans cette forêt profonde m'aurait d'autant plus enjoué.
Le Duc de Guise réprima un rictus d'amusement. Il n'était pas aisé de lui décrocher un sourire, mais le Duc de Vendôme avait un tel sens de la provocation que c'en était plaisant. Sa langue, ses mots, sa façon de parler étaient une arme à elle seule. Il la maniait avec un talent à en donner le vertige, et à en faire râler le clergé proclamant une vulgarité blasphématoire.
Il n'y avait nul besoin pour ces deux hommes d'être démonstratifs l'un envers l'autre. Il y avait une affection commune qu'ils connaissaient, et c'était l'essentiel en temps de guerre. Ils étaient ravis de se revoir après quelques mois de prospérité où rien ne leur donnait raison de se rencontrer. Ils savaient que se voir en cette époque était délicat, et souvent de mauvaise augure.
- Je constate que je vous ai fait manquer votre cible - ajouta le Duc de Guise -
Edouard haussa simplement les épaules. Combien de fois, ce cher Duc de Guise, avait-il entrepris de gâcher ses si belles parties de chasse en solitaire ? A de multiples reprises, lorsqu'ils avaient tout deux pourchassé côte à côte... Mais aujourd'hui était bien différent. Il ne s'opposera pas au talent inné de son ami qui devait s'être précipité pour l'accompagner dans leur loisir fétiche, apprenant qu'il était arrivé à Blois. Cette biche avait été sa toute dernière cible et il était impatient de rejoindre ses futurs appartements. Il avait fait une longue route pour parvenir jusqu'au Loir-et-Cher, abandonnant aux mains de ses plus fidèles soldats ses terres et ses plus grandes richesses. Il répondit :
- Effectivement, à se demander si c'est une stratégie pour me déstabiliser avant nos parties de chasse. Mais aujourd'hui, pardonnez-moi, je n'ai guère le temps de m'attarder.
Le Duc parût des plus surpris alors qu'Edouard s'apprêtait à entreprendre le chemin vers le château.
- C'est étonnant. Quel est donc ce passe temps que vous avez déniché, que vous ne souhaitez pas partager, et qui peut remplacer nos compétitions de chasse ?
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L'Agnès
Historical FictionL'an 1563. Alors que les guerres de religion éclatent et bouleversent le royaume de France, Agnès Ducoroy, fille d'un riche peintre et ami de la couronne, se trouve en sûreté dans le palais de Blois. Mais les massacres en province et la recherche de...