Il était ainsi, le dos droit devant la cheminée qui crépitait. Le jour s'était levé. Les rayons solaires traversaient les rideaux et apparaissaient sur sa peau nue... Le Duc de Guise avait fait une grossière erreur. Jeanne était parsemée de frissons, comme si l'angoisse ne pouvait la quitter. Elle réussit à balbutier :
- Ce que nous avons fait est mal. C'est l'exercice même du péché.
Le silence était une réponse habituelle chez le Duc de Guise. Mais pour la première fois, Jeanne ne lui en voulait pas. Aucun mot ne suffisait à exprimer la situation... Aucun mot ne pouvait correctement exprimer le pardon. Elle se demandait s'il regrettait ce qu'ils avaient commis. Alors elle s'assit en tenant fermement l'épaisse couverture contre sa poitrine dénudée. Elle s'était donnée à lui. Elle avait perdu sa virginité. Cette affirmation devrait l'anéantir...
Pourtant, les sensations des plaisirs charnels marquaient son esprit et ne pouvaient s'oublier. Elle avait apprécié. Il avait été doux, une qualité qui ne transparaissait pas dans son allure de chevalier barbare. Il lui semblait à présent si attachant qu'elle n'éprouvait plus aucune haine. Mais il était incompréhensible, un mystérieux guerrier. Elle ne parvenait pas à savoir comment ils en étaient arrivés à une telle conclusion. Tout lui échappait... Elle devait donner une raison à cet acte qui allait certainement lui coûter son mariage.
- Pourquoi l'avez-vous fait ?
Elle crut qu'il allait poursuivre son silence. Elle se répétait qu'elle ne devait rien attendre à son sujet. Il était imprévisible.
- Vous ne m'avez pas arrêté.
- Mais vous ne m'aimez pas !
Sous le haussement de son ton, le Duc de Guise lui fit face. Ses yeux parcoururent le corps, la peau que cette femme cachait avec difficultés. Elle rougit, perdant de son autorité. Elle souffrait de savoir qu'elle avait saccagé tous les efforts de sa famille pour lui constituer un mariage d'alliance. Tout reposait sur ses épaules depuis son plus jeune âge, et jusqu'alors, elle n'avait commis aucune faute. Elle réalisait son acte, ce qui avait été un moment de jouissance inespéré. Elle se devait d'être éprise de remords. Pourtant, elle n'en ressentait pas.
- M'aimez-vous ? - répliqua-t-il -
Son cœur se glaça. Il ne pouvait s'agir d'amour ! Elle ne pouvait se le permettre. Mais ce mal intense qui s'immisçait dans son être lui faisait reconnaître que quelque chose avait changé en elle. Les souvenirs de leur nuit partagée affluaient dans son esprit, et le désir toujours présent la rendait avide. Elle avait accepté son embrassade en pensant que toutes ses souffrances se dissiperaient. Il avait ouvert ses bras, elle s'y était réfugiée. Des larmes perlèrent sur ses joues.
- Vous m'avez tout pris... Je suis dépossédée. Mes parents m'emmèneront dans un couvent pour le restant de mes jours où je serai traitée comme une femme de péché. Une noble répudiée et humiliée. J'aurai la réputation d'une traînée.
Elle se détestait d'agir ainsi face à lui. Elle souhaitait être une femme ne se laissant pas abattre par les épreuves de la vie. Cependant il ne s'agissait plus de vivre, mais de survivre. Le Duc de Guise la rejoignit et prit son menton entre ses mains, l'obligeant à rencontrer son regard réconfortant. Il affirma avec une grande conviction :
- Je ferai de vous ma maîtresse, Madame.
* * *
Edouard approchait de ses appartements. Il s'immobilisa un instant devant l'entrée. Agnès Ducoroy allait le rendre fou... Mais il était satisfait de savoir qu'elle n'était pas mariée. Elle était simplement promise, les épousailles n'étaient pas encore accomplies. Était-ce tout de même le Marquis de Savoie ? Il ne pouvait se précipiter dans cette idée. Il était probable qu'il soit question de cet homme, mais il désirait le confirmer auprès de la belle.
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L'Agnès
Narrativa StoricaL'an 1563. Alors que les guerres de religion éclatent et bouleversent le royaume de France, Agnès Ducoroy, fille d'un riche peintre et ami de la couronne, se trouve en sûreté dans le palais de Blois. Mais les massacres en province et la recherche de...