Il pouvait patienter pour elle. Elle n'était pas simplement la figure féminine attachée aux plaisir charnels, c'était aussi ce petit bout de femme aux sourires et rires attendrissants. Sa fougue, ses colères, ses joies... Tout ce dont elle était faite. C'était cela, qui le transcendait. Alors il s'éloigna et déclara :
- Rejoignez-moi demain matin, à l'aube. Je vous attendrai avant mon départ pour la guerre.
* * *
Le cœur de Jeanne était sclérosé.
- Cela ne se peut – dit-elle avec difficulté -
Mais la femme de chambre replaçant correctement ses oreillers répondit :
- Et si, dame Jeanne. L'armée royale se rassemble à Paris pour contrer la stratégie des huguenots. Plusieurs généraux et leurs hommes partent d'ici dans l'après-midi.
Jeanne savait pertinemment que le Duc de Guise faisait partie des généraux de sa majesté. Il allait se rendre à Paris. Avait-elle si peu de temps pour discourir avec lui ? Que se passerait-il s'il ne revenait pas vivant ? Elle devait impérativement le retrouver. Elle ne pourrait vivre avec le regret de ne pas lui avoir avoué ses sentiments.
Elle se leva précipitamment, non sans une vive douleur au bras. La femme de chambre clamait qu'elle s'allonge de nouveau, lui attribuant un regard empli d'inquiétude. Néanmoins ses mots n'atteignaient pas Jeanne. Ils devenaient même une forte raison pour continuer. Parvenant à se mettre debout, elle demanda à sa femme de chambre :
- Habillez-moi.
Mais elle refusa. Elle ne pouvait laisser la futur duchesse de Beauffremont sortir dans un tel état, aussi gravement blessée. La plaie allait s'ouvrir si elle faisait un effort trop important. Et cela, elle ne se le pardonnerait jamais. La femme de chambre lui saisit donc les bras, lui présentant le lit comme un choix raisonnable. Jeanne n'en fit rien. Son regard suppliant eut raison de la femme. Elle se munit d'une robe, d'un corset et de sous-vêtements. Devant l'air impatient de Jeanne, elle s'exécuta en toute hâte. Elle tira les lacets, ajusta le décolleté, et coiffa la chevelure rousse en pagaille. Tout cela terminé, la femme de chambre observa Jeanne s'avancer chancelante, s'aidant des murs pour ne pas vaciller. Elle agrandit ses enjambées pour se retrouver en dehors de ses appartements. L'idée de le revoir surpassait la douleur.
Alors, elle marcha farouchement pour parvenir jusqu'à la pièce que sa femme de chambre lui avait décrite... Ces femmes liées par le bavardage les unes avec les autres connaissaient le château par cœur. Elle s'efforça de tenir son dos droit, au delà des grimaces et gémissements d'affliction. Elle se trouva donc devant la porte où devait séjourner le Duc de Guise. Elle touchait du bout des doigts le bois pour y déposer sa tête fiévreuse, ruisselante de sueur sous l'effort enduré. Elle poussa légèrement le bâtant et y faufila un regard pour s'assurer qu'il soit seul. Mais ça n'était pas le cas.
Sa femme, assise et enlacée par les bras de Jean de Guise, se voyait offrir un tendre baiser sur le front. Leurs mains étaient nouées l'une avec l'autre et malgré la mélancolie qui s'empara de Jeanne, elle trouva l'épouse magnifique. C'était un amour d'une telle pureté. Jeanne représentait la honte et la disgrâce dans cette histoire dont elle n'était pas protagoniste. Elle pouvait bien s'engouffrer dans la pièce et briser l'instant de partage entre époux. Il lui suffirait de crier la tromperie de Guise. Il ne s'agissait pas de courage ou d'audace... Mais de justice.
Pourquoi ne pouvait-elle pas, elle aussi, se faire embrasser par cet homme ? N'était-elle pas légitime de le demander après qu'il l'ait dépucelée ? Cependant, elle ne s'en ferait que plus détester par de Guise. Elle préférait être oubliée, plutôt que haïe.
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L'Agnès
أدب تاريخيL'an 1563. Alors que les guerres de religion éclatent et bouleversent le royaume de France, Agnès Ducoroy, fille d'un riche peintre et ami de la couronne, se trouve en sûreté dans le palais de Blois. Mais les massacres en province et la recherche de...