~ Chapitre 14 Partie III ~

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Dans l'instant même, le soldat exécuta sa tâche et Agnès fut emportée hors de la tente. Elle était à la fois prête à se défendre, mais aussi à se laisser porter par ce corps étrangement épris de fragilité... Elle n'avait aucune énergie à s'enfuir. Elle était encore submergée d'un ventre noué, d'une sensation brûlante. Mais lorsqu'elle fut attachée à un tronc comme un vulgaire animal, la haine refit surface. Elle ne pouvait le laisser faire une telle chose. Elle ne l'accepterait jamais.  


* * *


Agnès resta attachée. Elle percevait l'humiliation dans les regards des autres, et des scintillements salaces dans certaines pupilles. Ce qui avait été utilisé pour joindre ses mains à la surface solide lui écorchait la chair. Le froid glacial des nuits la faisait trembler... Elle savait que le Duc cherchait à la bouleverser. Désirait-il qu'elle le supplie de la ramener à la cour? Elle ne pouvait pas se le permettre.

Alors elle ne mangeait pas, buvait rarement, s'emportait dans le sommeil la plupart du temps. Sa peau était crasseuse, ses poignets striés de marques ensanglantées. Elle eut le temps pour réfléchir à tellement de choses... Jusqu'à ce qu'en soirée, un groupe de cinq soldats vinrent lui rendre visite. L'un avoua :

- Bats-toi avec l'un d'entre nous ! Je te détache. Si tu gagnes on te rend ta liberté, mais si c'est nous... Juste quelques gâteries !

Un second vint rompre le nœud aux poignets d'Agnès tandis qu'elle se levait, chancelante. Elle n'avait pas assez mangé. Elle se sentait tellement frêle. La nuit était percée de torches flamboyantes dans plusieurs coins du campement. L'air glacial était devenu une habitude sur sa peau blessée... Elle n'avait rien d'autre à faire qu'accepter ce qu'on lui proposait. Un soldat s'avança donc vers elle, présenta ses poings pour signifier un combat à mains nues. Agnès hocha simplement la tête tandis qu'une horde de soldats se rassemblait, formant un cercle autour d'eux. L'agitation se fit bruyante.

L'adversaire commença les hostilités et tenta un coup dans le ventre d'Agnès, mais elle l'évita pour engager un revers. Sa main s'écrasa contre la joue molle du soldat, qui se pressa à la pousser violemment à terre. Par le manque d'énergie, Agnès fut renversée et chuta. Elle roula rapidement sur le côté pour éviter le piétinement de l'homme et se releva en provoquant une rencontre entre son crâne et le menton du soldat. Celui-ci cracha une salive ensanglantée.

Au même moment, Edouard découvrit l'afflux de gardes aux écuries du campement. Il s'en approcha et réalisa que deux soldats d'infanterie différente se battaient. Plus précisément, il y découvrit Agnès. Sa poitrine éprouva une vive douleur. Agnès semblait être à bout de force, la peau d'une pâleur neigeuse, et les yeux livides... Si seulement elle avait accepté de rejoindre le château de Fontainebleau. Pourquoi rester au cœur de la guerre lui était donc si important ? Il n'y avait aucune raison à le faire. La guerre n'avait rien de bon. La guerre n'avait aucun avantage. Sauf pour lui. 

Edouard se surprit à admirer les mouvements élégants et rapides de la belle. C'était un corps souple, léger, qui se déplaçait dans une fluidité naturelle, presque à l'idée d'un authentique don. Comment avait-elle appris à se battre ? Pourquoi une femme si délicate, se trouvait à bafouer la terre et souiller sa peau de tâches pourpres ? Plus il la contemplait, plus il l'aimait. Ce n'était plus un amour qui se contenait. Et ceci depuis le début et qui, à vrai dire, n'avait cessé de croitre. Mais maintenant... Maintenant qu'elle se présentait aussi farouche et passionnée... Il voulait d'elle cette fougue brûlante. Il la voulait comme il n'avait jamais voulu personne. Mais lorsqu'il lui semblait qu'elle lui appartenait enfin, elle se révélait toujours plus admirable, toujours plus insaisissable. Il l'a voulait plus docile. 

L'AgnèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant