~ Chapitre 4 partie I ~

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Jeanne était devant sa cheminée, les flammes dansant devant elle tel un enfer terrifiant. Elle avait les lèvres sèches, et ses larmes lui infligeaient une chair humide et finement craquelée. Assise, à contempler un jaune et rouge brulants, elle ne savait que faire. Elle ne connaissait que la lamentation... Elle s'en était même lassée à force de l'exprimer. Le Duc de Guise était toujours debout, le menton relevé, fixant un point lointain à la fenêtre. Il patientait en silence.

- Pourquoi ne prenez vous pas congé, de Guise ? - articulait-elle

Il paraissait froid et distant. Jeanne savait que son promis avait conscience des éventuelles situations lors de son absence. Il pouvait être certain que son très cher ami n'allait porter aucune main sur elle. Il ne devait rien désirer d'une femme... Il semblait plutôt dévoué à la guerre, au meurtres, et à la barbarie. Impénétrable, loyal et valeureux... Exactement le type d'homme qu'elle espérait ne pas avoir comme gardien attitré. Elle sera piégée et devra renoncer à de nombreux désirs. Aucune distraction durant sa misérable vie... Une jeunesse perdue à s'offrir à un homme qu'elle ne désirerait jamais.

- Je me dois d'honorer la promesse que j'ai faite à votre époux - répondit-il -

Jeanne quitta le feu des yeux pour les poser sur l'homme. La présence de cet étranger, chargé de la protéger, ne faisait que la peiner. Son époux ne lui faisait pas confiance. Ses yeux s'assombrirent et l'intégralité de son être fut saisi dune terrible colère.

- Epargnez moi votre loyauté ! Vous le peignez comme un homme bon, mais il enferme ses biens dans le creux de sa main et les étouffe. Cette soi-disant attention à ce que j'évite toute disgrâce... Cela ne fait que confirmer la prison qu'il s'apprête à me vouer !

Elle ne se rendit pas compte, sur l'instant, du renouveau de ses larmes. Elle n'avouait que sa rage et ses immenses jalousies. Le désir de tout abandonner derrière elle était bien trop grand... Si sublime. Elle s'élançait dans un énième sanglot. Ses joues étaient d'un tel rouge, qu'elle aurait bien pu pleurer des larmes de sang. Elle voulait être seule, s'éterniser dans son grand lit où indéniablement, elle devra se donner à Robert de Beaufremont. Dans quelques jours, des mains creusées par la vieillesse caresseront sa peau merveilleuse, une bouche molle et fondante embrassera la sienne irrésistiblement douce. Cela la répugnait.

Le Duc de Guise se contentait du silence... Ne savait-il pas dialoguer, réconforter, discourir ? Il décida de se retirer hors de la chambre tandis que Jeanne lui décochait un regard des plus noirs. Elle le détestait aussi, tout autant que son futur époux. Il devait probablement se moquer d'elle, d'une aussi grande idiote blâmant son malheur.

Alors elle l'aida à quitter la pièce, fermant avec violence la porte derrière lui. Elle sut qu'il y resterait, comme un garde se chargeant de protéger les appartements du Roi. Mais à l'intérieur, à présent... le silence était absolu. La solitude aussi, dangereuse et effrayante. Peut-être qu'en fin de compte, être seule ne l'enchantait pas autant qu'elle l'espérait.

* * *


En se réveillant, Agnès se sentait honteuse. Comment avait-elle pu échouer dans l'amitié qu'elle éprouvait ? Jeanne était dans le processus d'un mariage forcé avec un homme décrépit... Et voilà qu'elle lui lançait son bonheur à la figure. Elle allait parler avec son amie, la rassurer et l'aimer.

Avant leur rencontre, elle fermerait les yeux afin d'oublier leur dispute. Mais comme toujours, il était plus facile d'imaginer la situation. Elle se demandait si c'était son air plein d'entrain, empli de vie qui avait une nouvelle fois eut raison d'elle... Certaines personnes témoignaient un manque de maturité. Mais c'était ce qui masquait une recherche à toujours voir le bon côté des choses et à partager, comme elle, ce sens du positivisme avec ceux qu'elle chérissait.

L'AgnèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant