~ Chapitre 4 Partie II ~

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Mais que lui arrivait-il ? Était-ce cela, la passion foudroyante, l'envoûtement d'une femme par un homme ? C'était différent de ce qu'elle avait pu ressentir pour le Marquis de Savoie. Ce n'était pas comparable. Il avait suffit d'un simple regard partagé avec cet homme pour en avoir l'esprit confus, la fâcheuse impression de voler. Ce Duc séduisant et à la beauté agressive... Elle ne pouvait s'empêcher de croire que ses pensées étaient coupables.

* * *

Edouard de Vendôme fut accueilli comme il se devait, salué par le Cardinal de Lorraine, adoré des femmes de la cour... Mais l'ennui le submergeait. Ce n'était qu'un regroupement de noblesse insipide et de séduction habituelle. Il comprit que les agissements des riches à la cour n'avaient pas changé. Il avait quitté ses terres, les siens, pour rejoindre une demeure royale sous la coupe du Cardinal. Celui-ci ne manquerait pas de lui mener la vie dure... Surtout de l'espionner dans l'ombre.

Les rumeurs de sa venue avaient donné naissance au devoir de lui trouver une épouse. Cela l'importait peu, qu'il en soit ainsi. Le sang, le combat, la mort... C'était ancré dans sa chair comme l'aurait été un tatouage fait de poussière. Mais penser à ses terribles convictions lui valait un retard de quelques discussions avec la gent féminine. Il ne put respirer un instant après l'hommage au Roi qu'une multitude de femmes accourut. Toutes prenaient soin de se présenter gracieusement, à s'accrocher à ses bras. A leurs yeux doux et leur voix d'évangile, Edouard ne portait aucune attention. Il aimait les femmes, c'était certain ! Mais dans son lit, pas en baratin. Et à présent, il lui semblait qu'elles parlaient bien trop.

Il leva donc les yeux au ciel pour signifier son agacement. Mais ces femmes jouaient les aveugles à ne pas répondre à son déplaisir... Avant que son regard ne découvre une jeune femme accoudée à son balcon. Elle était vêtue d'une robe blanche, d'une simplicité affligeante. Mais c'était bien ce tissu de soie épousant les courbes généreuses qui lui plaisait. Les cheveux volant au vent, faisant paraître un cou dénudé de bijoux encombrants et de col inutile, là où pouvait se contempler une chair délicate. Tout autour de lui était immobilisé, glacé, inerte... Elle était différente et sa beauté n'avait d'égale. C'était l'essentiel. Il y jeta son dévolu avec un sourire aux lèvres. Après tout, ne pouvait-il s'amuser des plaisirs de la cour durant son séjour ?

- Messire, veuillez me suivre je vous prie - ordonna le Cardinal -

Edouard rompit l'hypnotique relation avec la belle . Lorsqu'il put y revenir, elle avait déjà disparu. Il fut alors emporté dans une visite du château interminable. Il désespérait à atteindre ses appartements. Lorsqu'il y fut enfin, la surprise avait un goût âpre d'humiliation. Sa chambre n'était pas aussi spacieuse qu'elle aurait dû être et elle donnait sur la cour du château. Il pouvait être observé et écouté...

Peu importait. Il n'était pas d'humeur à s'en inquiéter. Il s'avança donc vers la fenêtre et l'ouvrit, y découvrant un balcon. Était-ce ici que la belle l'avait observé ? Il repensait à cette jeune femme qui aurait pu être un mirage. Quel était son nom ? Il se posa contre les rebords mouillés, laissant les images telles des peintures exquises se propager dans son esprit. Il était dévolu à la chasse, et il aimait à penser que la séduction suivait le même processus. Cette inconnue n'était qu'une nouvelle proie à laquelle il allait voler toute pudeur. Il la voulait à ses pieds, frissonnante et désireuse. Il pouvait bien user du bal organisé en son honneur pour la cueillir... C'était d'une simplicité enfantine.

* * *

- Mon seigneur, ouvrez-moi - supplia Jeanne -

Elle n'en pouvait plus. Rester enfermée ainsi toute la journée, à contempler le bois crépiter l'épuisait. Elle désirait voir son amie Agnès et lui faire part de ses sincères excuses. Ensuite, elle pourrait partager son fardeau avec elle.

- Monsieur De Guise ! Je vous prie, ne jouez pas au sourd ! Je désire sortir !

La porte s'ouvrit et l'homme apparût face à elle. Le dos droit, l'expression placide et cette carrure imposante... Il affirma avec froideur :

- Je ne suis pas en mesure de vous laisser partir.

La bouche de Jeanne s'affaissa pour former un rictus de haine. Il s'agissait d'un confinement... Elle était emprisonnée, comme punie à endurer l'ennui. Mais cet homme ne pouvait-il pas lui accorder une visite ? Une promenade ? Il était détestable.

- Pourquoi donc ?

- Je serais dans l'obligation de vous suivre dans vos déplacements. Je n'y tiens pas.

Elle soupira lourdement. Cet homme ne l'appréciait guère... Elle ressentait une profonde envie de crier son désaccord. D'un autre point de vue, en tant que femme de la cour et promise à un noble de haut rang... Elle n'avait aucun droit à protester.

Jeanne n'était pas comme Agnès. Celle-ci hurlait si cela la tentait, elle chantait à tue tête si cela l'enchantait... Jeanne se retenait sans cesse devant son fiancé. Néanmoins, ce De Guise s'étant improvisé comme garde ne valait de sa part aucun effort. Il l'avait déjà vue pleurer, à quoi cela servait-il, maintenant, de faire bonne figure ?

- Je vous hais, Duc de Guise. Je ne vous souhaite aucun bonheur. Vous ne méritez aucun bienfait de la vie !

Elle le poussa de ses frêles mains afin de lui transmettre la rage qui l'animait. Mais évidemment, il ne bougea pas. C'était le résultat d'heures d'entraînement et des batailles au front. Peut-être aussi la chasse, murmura-t-elle .

- Je ne suis pas à plaindre. J'ai une femme, et un enfant  en liste pour devenir souverain du Royaume de France.

Jeanne s'immobilisa. Pourquoi tout le monde autour d'elle était si gracié par Dieu ? Elle n'aurait pas voulu l'entendre. Elle s'imaginait malgré elle en une belle femme caressant tendrement la petite tête d'un fils. A embrasser l'enfant bien aimé, à patienter avec sagesse... Ses mains s'écartèrent du Duc pour venir se réfugier dans son dos. Elle avait honte. Où était passé son calme qui, à l'époque, lui était si grandement complimenté ? La porte se referma tandis que Jeanne, paralysée, ne fit rien pour retenir de Guise. Elle croulait sous l'embarras.  

  

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L'AgnèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant