Une pénombre terrifiante engloutissait la pièce close. Vêtus de teintes noirâtres, intense couleur des ténèbres, un groupe d'hommes et de femmes était disposé en cercle. Les prières à peine murmurées devenaient un chant de mort... Les vêtements serraient leur corps à en étouffer tandis que leur chapeau s'élevait dans les cieux en un pique magistral. La forme épineuse de l'extrémité aiguisée comme une arme. Sur leur visage recouvert, ce n'était qu'un masque aux yeux de boutons noirs. Ils semblaient emprisonnés dans le tissu enveloppant leurs pieds jusqu'au sommet du crane. Nulle peau à découvert.
Subitement, le guide de la cérémonie lia ses poignets de ronces. La bouche pourtant recouverte, il chantait une chanson de mort... Des frissons exaltants saisirent les autres membres. Ils étaient disposés de part et d'autre d'un cercle rouge sang tandis que des sensations vinrent les submerger dans une violence inouïe. Une toute autre présence percutait leur esprit, s'immisçait en eux à la recherche d'une énergie vitale... Et afin de parvenir au sacrifice, on amena une jeune femme au centre des tracés. Tremblante, totalement terrifiée, elle suppliait de l'épargner. Ses cris devinrent des hurlements d'agonie à mesure que les chants des membres de la cérémonie s'intensifiaient. Dans une tension pesante, une odeur douceâtre de sang frais s'éleva. La cérémonie déroulait ses rituels abominables.
La victime ne parvenait pas à entendre les incantations d'adoration du chef. Pourtant, elle sut que la mort la prendrait... Elle se sentit brusquement happée par une force invisible. Quelque chose s'introduisait dans son esprit pour la corrompre. Ses yeux prirent des teintes blanchâtres, et son corps fut emporté... Des convulsions la saisirent et les crachats sanglants ne lui permettaient plus de hurler sa douleur. Son ventre se serrait et sa robe se tâchait d'un liquide pourpre. Un intrus la dévorait de l'intérieur et aucune échappatoire ne lui était permise.
Lorsque la chose parût rassasiée et hors d'elle, elle se recroquevilla sur elle-même, ses larmes se mêlant à son sang. Mais la mort l'emporta dans la torture. Inerte, vide, le regard figé... La morte fut basculée au dessus d'un balcon, dans la cour du palais. La dépouille percuta le sol en un bruit sourd avant qu'une flaque de sang se propagea sur les graviers blancs du château de Blois. Ils firent une dernière prière pour que Satan puisse les guider vers la prochaine victime... Leur être tout entier le vénérait, jusqu'à se perdre dans la dangerosité de leur croyance.
* * *
Un frisson parcourut Agnès. Durant son sommeil, elle éprouva une sensation de mal être immense comme si quelqu'un lui voulait du mal. Elle se réveilla en sursaut, son livre encore dans les mains. L'obscurité de la nuit n'avait jamais été si terrifiante. Elle sortit de son lit avec une lourdeur dans le corps. Les pieds tremblants, la respiration haletante... Pourquoi son corps réagissait-il comme si elle était épiée ? Elle se leva vivement, essayant de ne pas faiblir sur ses jambes flageolantes.
Elle recouvra une marche correcte en atteignant sa fenêtre. Elle l'ouvrit dans un effort épuisant et se précipita à l'extérieur. Aussitôt, elle fut libérée de toutes ses impressions étranges. En fermant un instant les yeux, elle pouvait supporter l'afflux de souvenirs épouvantables. Son cauchemar avait été ponctué de chuchotements et de chansons au culte terrifiant... De cela se projetaient les massacres et batailles sanglantes de la guerre de religion. Elle avait travaillé sans relâche sur elle même pour vivre avec. Et ce qui lui était parvenu n'était qu'un cauchemar. Oui, un simple cauchemar.
Cependant, lorsqu'elle décida de poser son regard sur la cour du château, l'angoisse la saisit aussitôt. Un corps. Un cadavre sur le parterre blanc, marqué à l'écarlate. Une femme gisait, et lorsqu'Agnès accourut en se munissant d'une bougie, la scène fut illuminée dans toute son horreur. Elle refréna un vomissement. Aucune illusion, aucun cauchemar... Agnès se mit à crier pour alerter de l'assassinat d'une femme. Mais elle savait qu'à travers ce devoir, se ponctuaient des visions horrifiantes. Un cercle de sang, des boutons noirs, et des bouches à murmure... Agnès s'évanouit sans comprendre la faiblesse qui la consumait.
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L'Agnès
Historical FictionL'an 1563. Alors que les guerres de religion éclatent et bouleversent le royaume de France, Agnès Ducoroy, fille d'un riche peintre et ami de la couronne, se trouve en sûreté dans le palais de Blois. Mais les massacres en province et la recherche de...