~ Chapitre 9 Partie II ~

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 Après s'être assurée qu'elle soit tombée dans un sommeil profond, Agnès s'engouffra dans les couloirs obscurs du château. Elle parvint rapidement à sa propre chambre et alluma une bougie. La flamme jaillit, le feu dansant devant ses yeux d'émeraude. Mais ce ne fut que pour un bref instant. La bougie s'écrasa au sol tandis qu'Agnès hurlait. Un cercle de sang tachait sa tapisserie de sol. Quelques uns de ses biens, eux-aussi, étaient marqués du même symbole. Des gouttes ruisselaient encore, comme si l'horreur venait tout juste d'être réalisée. Et ce qui persistait dans l'imagerie mentale d'Agnès était la phrase écrite à son mur... « Satan règnera ».


* * *


Lorsque le soleil se coucha, Edouard ne parvînt pas à s'endormir. Ses nuits étaient agitées. Il ne pouvait s'empêcher de penser à ces paroles : « tue-le et il n'arrivera rien à ta douce ». Il se forçait à fermer les yeux, à faire le vide dans son esprit. Ses songes devinrent le souvenir d'Agnès Ducoroy dans son immense beauté. Il ne pouvait renoncer à la passion qui le saisissait... Elle l'avait séduit.

Alors qu'il la contemplait en ses rêves de désirs inaccomplis, une épaisse couche de brouillard confondit son être. Un nuage sombre s'emparait de lui tandis que l'image de la belle s'estompait, son sommeil lui étant dépossédé. Il ne luttait pas. Il lui suffisait de prononcer :

- Que dois-je faire ?

Les voix en chuchotements apparurent et leur source semblait être au plus proche de lui. Un murmure ultime le rencontra dans la pénombre.

- Tue-le... Tue-le... Sa majesté Charles IX... Et tu régneras au nom de Satan... Ou nous tuerons Agnès Ducoroy.

Le jeune Roi de France, catholique, sous la coupe de Catherine de Médicis et du Cardinal de Lorraine ! Edouard s'éternisait à cette pensée de devoir assassiner la figure royale suprême. Il n'eut pas assez de temps pour y réfléchir qu'un hurlement le foudroya. Agnès ! Lorsqu'il recouvra ses esprits, seul dans sa chambre, il se précipita vers son épée pour rejoindre Agnès dont il avait appris les cris de détresse.

Cependant, il ne put que se figer face à la vision d'horreur. Sur les rideaux de sa chambre était tracé un cercle rouge sang... Il approcha ses doigts de la surface de velours et effleura ce pourpre. Il fut envahi d'une rage immense. Il empoigna les rideaux pour les tirer brusquement vers lui, les arrachant. Il les jeta au sol dans un bruit sourd. Il ne savait pas ce que ces fous souhaitaient de lui, mais il était hors de question qu'il se laisse manipuler. Voulaient-ils le pousser à la haute trahison ? Voudraient-ils de lui, après avoir été corrompu par leur parole, sur le siège royal ? Ils empoisonnaient son être de chimères. Cette couronne de joyaux, sur son crane, qui pourrait lui offrir un pouvoir incommensurable... D'une simple affirmation il pourrait faire d'Agnès sa maîtresse, la faire sienne.

Edouard s'attribua un coup foudroyant au ventre. L'espace d'un instant, il avait été porté par leur culte blasphématoire. Il s'était accordé de ressasser leurs paroles, de s'y noyer. Et quand il se hâta de rejoindre la chambre d'Agnès, elle n'y était déjà plus.


* * *


Agnès avait cherché la poignée de sa porte dans une respiration saccadée. Elle avait pris soin de ne pas tourner le dos au cercle de sang... C'était un mauvais présage. Elle réussit à ouvrir la porte et se faufila hors de ses appartements. Que cherchaient ces serviteurs de Satan auprès d'elle? Ils lui faisaient caresser la mort d'une paume ensanglantée puis, au dernier souffle, la sauvaient du néant. Pourquoi jouer ainsi de sa vie ? Exténuée et le cœur battant à la faire souffrir, elle retourna dans la chambre de Jeanne. Celle-ci dormait à poings fermés.

Agnès vînt calmement la rejoindre dans ses draps apaisants, enlaçant sa main tremblante avec celle de son amie. Elle la serra désespérément de ses doigts glacés. Elle avait tellement besoin de repos, mais elle ne parvenait pas à fermer l'œil. Ce fut dans une fatigue extrême qu'elle n'eut pas conscience de sa capitulation... Et lorsque le soleil transperça la fenêtre de la chambre, Agnès dormait.

À son réveil, Jeanne découvrit son amie à ses côtés. Elle s'assura de la cicatrisation de ses blessures alors que l'angoisse ressurgissait : le Duc de Guise devait avoir un chagrin immense par sa faute. Elle avait besoin de le voir, dans l'instant même. Mais elle savait que faire le moindre pas en dehors de son lit lui ferait souffrir le martyr. Le temps de sa guérison, elle restera impuissante face à ses erreurs. Finalement, elle vînt s'enrouler dans la grande couverture et s'oublier à nouveau dans le sommeil. Sa main ne quittait pas celle d'Agnès.


* * *


Sa majesté le Roi Charles IX se reposait en son château de fontainebleau. Il n'avait pas l'esprit à se promener dans ses jardins, ni à se goinfrer, ni à jouer avec de riches aristocrates... Même les discussions de stratégie militaire étaient vaines. Il n'aimait pas être Roi.

Avoir le privilège de rester des nuits entières dans son lit était l'unique avantage de son autorité royale. Mais un bruit soudain le fit quitter son sommeil. Il s'empara du premier objet tranchant et le brandit face au visiteur non annoncé et indésiré en pleine nuit. Lorsqu'il comprit de qui il s'agissait, le jeune garçon renifla bruyamment et soupira de soulagement. Catherine de Médicis, sa mère, affirma :

- Lève-toi mon fils, ce n'est pas le moment de dormir ! L'armée de Louis II de Bourbon-Condé s'est emparée de Saint-Denis et ils veulent affamer Paris. Après le massacre d'hommes de l'église catholique à Nîmes par ces huguenots, et leur tentative d'assiéger la capitale; vous ne devez pas faillir à les repousser hors de la ville marchande ! Tant que je serai en vie, je ne permettrai pas l'intolérance à la religion.

Le Roi était las de son règne soumis aux guerres de religion. Il comprenait enfin le poids qu'avait porté son frère ainé, François II. Il aurait dû profiter un peu plus de la régence de la Reine mère... Il balbutia :

- Que me conseillez-vous, mère ?

- Il vous faut faire appel aux généraux de l'armée catholique. Envoyez des chevaliers galoper pour signaler leur départ au front. Paris ne doit pas tomber aux mains des Huguenots ! Le soulèvement des protestants est impardonnable... Vous devez rétablir la liberté de conscience !

La colère de la Reine mère fit trembler sa majesté. Catherine de Médicis le scrutait de façon acerbe pour accroître son influence. Il se contenta de hocher la tête. Il clama les ordres royaux à ses serviteurs et fit satisfaction à sa mère. Celle-ci le gratifia d'une révérence, avant de se retirer des appartements du Roi. Charles IX ne pouvait plus recouvrer le sommeil... Il quémanda la visite de Marie, sa maîtresse favorite. Lorsqu'elle se présenta à lui, il se dénuda. Sa majesté s'adonna aux plaisirs charnels tandis que ses chevaliers traversaient les sous bois pour avertir d'une nouvelle bataille...  

  

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L'AgnèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant