~ Chapitre 13 partie I ~

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/!/ Thématique qui peut en choquer certain : mort /!/


Agnès reprit connaissance dans une puissante douleur au crâne. Elle eut une vague de souvenirs qui la saisirent, lui provoquant un désir de vomir... Mais dans la panique qui l'envahit, elle chercha précipitamment son arme. Sa masse d'arme n'était nulle part. Elle comprit que son père avait ordonné qu'on la lui dérobe. Elle s'élança alors à sa porte d'entrée, qui se trouvait être fermée. Dans son élan à consulter aussi sa fenêtre, Agnès ne put refréner un juron. Elle était bel et bien enfermée... Et elle passa l'après-midi à chercher quelque chose qui pourrait l'aider à libérer une serrure. Elle appela aussi les gardes alors que leur réponse n'était que silence, frappait contre le bois pour les sensibiliser, projetant des mensonges et prétextes pour sortir... Mais rien n'y faisait.

Bientôt, la nuit lui fit abandonner son combat de liberté. Après tout, qu'aurait-elle fait, dehors ? Elle n'avait nulle part où aller. La soirée fut d'une telle obscurité qu'Agnès se décida à se coucher plus tôt que prévu. Mais subitement, quelques taches de lumière se reflétèrent sur ses murs. Elles dansaient dans la noirceur de sa chambre et stimulaient les yeux d'Agnès. Elle se réveilla de son demi-sommeil et entendit du bruit à l'extérieur. Elle se leva et se pencha à sa fenêtre pour s'assurer de ce qu'il se passait. Au plus profond d'elle même, elle savait que ce n'était pas un comportement de curiosité... Mais plutôt un comportement d'inquiétude qui lui faisait écho à la guerre, qui lui faisait écho à bien des choses.

Finalement, son regard décrivit la scène. Elle se figea en apercevant un bûcher. Le tout se faisait dans la cour du château et le monument mortuaire fait de bois emplissait l'espace. Agnès eut le cœur serré à penser au potentiel de ce matériel... Allaient-ils brûler des criminels ? Les torches étaient flamboyantes et se reflétaient dans ses iris. Son observation se faisait minutieuse et elle finit par voir le Cardinal. Dans sa longue robe rouge, il attendait patiemment le jugement de l'infâme.

Lorsque celui-ci arriva, Agnès réalisa que c'était une femme. Elle portait un vêtement délavé, déchiré... Elle était négligée. Dos à elle, Agnès ne pouvait pas encore scruter son visage. Mais elle fut poussée au centre du lieu de supplice. Agnès apporta ses mains tremblantes à ses lèvres. C'était Jeanne ! Les gardes l'accrochèrent avec violence contre le tronc de bois et se retirèrent pour contempler leur œuvre. Agnès ne parvenait plus à respirer... Son état était second. Ses doigts tremblants étaient l'unique indice de sa vie. Tout en elle paraissait se mortifier. Elle était gelée.

Trois hommes approchèrent les torches des rondins de chêne qui, au contact les uns des autres, s'embrasèrent d'un feu ardent. Aussitôt, Agnès extirpa un cri d'horreur. Il racla sa gorge et la fit frissonner, à lui en donner le vertige. Elle infligeait à la fenêtre d'innombrables coups désespérés, à violenter la poignée, à hurler de détresse. Mais le feu se propageait dangereusement. Jeanne allait être immolée. Agnès prit un siège et de tout son poids, l'abattit contre l'ouverture. A cet instant où le bruit de verre fracassé retentit, les gardes ouvrirent la porte d'entrée.

Agnès se retourna vivement et décrocha de la fenêtre un bout de verre tranchant sa chair. Les gouttes s'estompèrent sur la tapisserie tandis qu'elle accourait vers les gardes. Elle planta l'arme de fortune dans la jugulaire du premier venu tandis que le second se paralysait. Le souffle court, les cheveux en bataille, l'air d'une bête enragée... Il décida de s'élancer pour appeler du renfort. Alors Agnès s'échappa. Ses pas se perdaient dans la précipitation, ses jambes s'entrechoquaient dans une douleur abominable, sa jupe relevée se concentrait dans sa poigne tremblante...

Elle entendit bientôt le cri de Jeanne retentir dans l'enceinte du château. Elle courut comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Elle courut comme s'il s'agissait de sa propre vie. Elle courut dans une peine immense qui la consumait toute entière... Et quand elle parvint enfin jusqu'à Jeanne, ce n'était plus qu'un corps se tortillant dans les flammes. Ce n'était plus qu'une silhouette agonisante.

L'AgnèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant