~ Chapitre 10 Partie I~

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- Le Cardinal de Lorraine vous demande en ses bureaux, sir.

Le Duc de Vendôme ne pouvait pas refuser la convocation du Cardinal, même s'il avait voulu rester à ses appartements, la journée déclinant vers sa fin. Il approuva et suivit le garde. Durant le trajet, il étudia les raisons de l'appel du Cardinal. Une autre femme avait-elle été assassinée ? Il n'en avait touché aucune autre depuis la femme de chambre. Aussitôt, il se rappela ne pas avoir rencontré Agnès après l'avoir entendue hurler. Il espérait qu'elle ne soit pas blessée, ou pire... Qu'elle ne soit pas la morte que le Cardinal allait lui présenter. L'idée de la perdre devenait de plus en plus inconfortable.

Edouard rejoignit rapidement le bureau du Cardinal qui se trouvait être devenu une salle de conseil privée. Son regard découvrait plusieurs généraux du royaume de France. Un tel nombre rassemblé dans une pièce ne voulait dire qu'une chose... Les protestants s'étaient engagés dans une nouvelle confrontation. Il se laissa donc emporter par cette tension de la guerre, cette adrénaline envahissante qui le troublait. L'excitation se mêlait à la crainte. Mourir, trahir, échouer... Ou bien être couronné de succès.

- Je vous remercie de votre présence, messieurs – commença le Cardinal – Un messager de sa majesté nous est parvenu. Le prince de Condé et ses hommes sont à Saint-Denis. Ils coupent les vivres de Paris. Le Roi vous ordonne de le rejoindre à Fontainebleau. Soyez certains que Dieu vous gratifiera d'une victoire si vous avez foi en lui.

Edouard serra les poings. Cette information secrète des protestants avait dû être interceptée par les espions de Catherine de Médicis. Il ne devait pas être prévu que sa majesté en soit avertie aussi tôt. Plusieurs murmures se firent entendre dans l'assemblée tandis qu'il observait les commandants présents. Il fut satisfait d'y trouver le Duc de Guise et Guillaume V de Hautemer. Ce dernier avait rejoint le château de Blois pour l'occasion, et Edouard l'appréciait grandement.

Alors ses yeux basculèrent sur la carte de France accrochée au mur de pierre. Il fixa longuement la position de Paris. Il sera loin d'Agnès Ducoroy pour un temps indéfini. C'était la première pensée qui lui venait à l'esprit tandis que les débats stratégiques entre généraux de guerre s'intensifiaient. Néanmoins le Cardinal se hâta de calmer les élans d'expression :

- Votre départ pour Fontainebleau se fera dans la journée de demain. Veuillez rassembler vos hommes et préparer les montures. Je ne suis qu'homme de clergé, je prierai pour vos vies.

Le soupçon écarlate dans l'œil du Cardinal évoquait une toute autre vérité. Il était temps pour Edouard de réaliser ce pourquoi il avait massacré des siens... En 1560, alors que son père perdait les grâces de la couronne, lors de la mort de François II, Edouard rencontra le Prince de Condé. Celui-ci n'était pas plus âgé que lui, mais il arborait la rage d'un vieillard ayant vécu mille vies difficiles. C'était un visage marqué d'une détermination indétrônable. Et lorsque Edouard devînt Duc de Vendôme après la mort de son père qui s'était laissé dépérir, il prêta allégeance au prince Louis de Condé, son ami semblable à un frère. Il souhaitait plus que tout que cet homme de sang royal règne sur le royaume de France. Edouard s'était même converti au protestantisme dans le secret de sa nouvelle famille religieuse. Les doutes de la Reine mère à son sujet n'étaient pas infondés...

Il avait tout d'abord combattu contre les huguenots lors du siège d'Orléans. Mais c'était une demande de son suzerain de recouvrer l'honneur des Vendôme et de devenir un général auprès du Roi. Ensuite, il avait contré le siège de Paris et apporté la victoire à Charles IX. Mais c'était pour être gratifié des faveurs de sa majesté et pour analyser les stratégies militaires catholiques. Tout cela, il l'avait fait afin que le prince de Condé puisse établir une véritable manœuvre de guerre, dans la connaissance totale des ennemis. Il avait été un espion et avait trompé les catholiques. Il était prêt à s'engager pleinement dans son rôle pour cette nouvelle bataille. Et si le Prince de Condé parvenait à assiéger efficacement Paris, Edouard songeait à tuer Charles IX. Cela déstabiliserait l'ordre royal et il conseillerait à son suzerain un coup d'état.

L'AgnèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant