Chapitre 2

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Les mains remplies de tartes, je me parai de mon plus beau sourire en rejoignant la ruelle dans laquelle avait lieu la fête du quartier. C'était toujours la même, juste à l'angle de la maison des Sheperd, dans ce qui était presque le cœur du village.

Il n'y avait pas le moindre commerce ici, uniquement des petits artisans, ou bien des fermiers, qui, quand l'envie leur en prenait, allaient vendre le fruit de leur labeur en ville. Du reste, Hamrin n'était qu'un petit amas de maisons adorable.

Et je l'adorais exactement comme ça.

— Jess Stafford ! s'exclama Julia, la femme aussi vieille que le monde qui n'avait arrêté d'enseigner que lorsqu'elle avait été obligée de se déplacer avec une canne. Je ne t'ai pas vue depuis une éternité !

— Je suis de retour, ricanai-je en me penchant pour l'enlacer.

Il ne lui en fallut pas plus pour me voler mes offrandes et se détourner en claudiquant.

— Ton père nous a parlé de ton retour au pays. Si tu savais comme j'avais hâte de te revoir ! C'est rare que nos jeunes reviennent s'installer à Hamrin !

Et pour cause : l'endroit était perdu loin de tout. À moins de rêver d'élever des vaches, on y trouvait rarement sa place. La plupart de ceux avec qui j'avais grandi avaient mis les voiles dès la fin du lycée. Je n'avais pas fait exception à la règle.

Pourtant, bien des années après, j'étais de retour, et sans le moindre regret.

Ce que j'avais vécu à la fac, puis en poste à San Francisco, m'avait permis de grandir. J'étais devenue la femme que j'étais grâce à toutes ces expériences, et j'avais fini par trouver ma voie, c'était tout ce qui comptait.

Au moins, j'avais précisé mon rêve dans la vingtaine, et pas à la fin de ma vie.

— Ça fait du bien d'être de retour, lançai-je en la suivant. Vous m'avez tous manqué.

— Oh, j'en doute pas !

Alors que quelqu'un d'autre l'interpellait pour lui poser une question, je me détournai, à la recherche de mon père.

Si les choses n'avaient pas changé depuis mon adolescence, le barbecue devait être à l'extrémité de la ruelle, à côté du chemin menant dans les bois. Il y avait tellement monde que l'endroit, habituellement désertique, semblait pulluler.

On devait être quelques dizaines, tout au plus, sans parler des enfants qui couraient dans tous les sens. Tout le monde se connaissait et la bonne humeur régnait, bien loin de l'agitation presque hostile de San Francisco.

J'étais clairement bien plus à ma place ici que là-bas.

La silhouette familière de mon père me poussa à accélérer le pas, ma robe à fleurs ondulant contre mes cuisses. Je l'avais acheté sur un coup de tête l'an passé et je n'avais pas eu l'occasion de la porter. Ce jour-là était le moment idéal.

— Salut !

Une ribambelle de saucisses à la main, papa me décocha un clin d'œil avant de les séparer d'un vif coup de couteau.

— Tu as enfin fini de retourner ma cuisine ? demanda-t-il en déposant ses victuailles au-dessus des charbons ardents.

— Je t'ai fait ta tarte, père ingrat.

— Je veux bien la manger, moi, s'il n'y a pas droit.

Planté juste derrière la carrure massive de papa, Thomas me décocha un sourire qui me toucha tout droit au bas-ventre.

Dans mes souvenirs, le meilleur ami de mon père n'avait définitivement pas été aussi sexy. C'était un bel homme, n'importe qui pouvait le reconnaître, mais le charme que ses cheveux poivre et sel lui donnaient était tout simplement illégal.

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