Chapitre 3

1.4K 171 9
                                    

Le repas s'était étendu jusqu'au milieu de la nuit, au point où la plupart des enfants s'étaient endormis dans un coin, allongés sur des draps étendus là par leurs parents. J'avais entendu assez d'anecdotes pour rire jusqu'à l'année prochaine, et j'adorais ça.

— Bougez-vous, les jeunes !

Mes cartes à la main, je jetai un œil à Nora, une cinquantenaire qui faisait la moitié de son âge. Cette femme semblait avoir arrêté de vieillir le jour de ses trente ans, et elle avait bien plus d'énergie que nous tous réunis.

Je l'avais vu revenir avec une radio à l'ancienne un peu plus tôt et, apparemment, elle semblait bien décidée à faire danser tout le monde.

Un petit rire m'échappa avant que je prenne une dernière gorgée de ma bière. Merde, combien est-ce que j'en avais bu ?

La seule chose dont j'étais pleinement consciente, c'était que j'avais plumé mon père au poker, et qu'il pestait depuis un sacré moment. Manque de bol pour lui, j'étais devenue sacrément douée dans le domaine lorsque je m'étais installée en Californie.

C'était dingue le nombre de choses qu'on pouvait gagner quand on savait bluffer. En l'occurrence, j'avais payé pas mal de loyers en passant un peu de temps au casino. Tout le reste n'avait été qu'un plus pour mon boulot.

— Putain, mais c'est une blague !

Un large sourire aux lèvres, je piquai ses derniers jetons avec un clin d'œil.

— Merci bien, soufflai-je. J'aime l'argent.

— Toi, tu vas me le payer, marmonna papa en pointant son index sous mon nez.

Je haussai les épaules.

— Vas-y, et tu pourras manger du carton.

Alors qu'on se regardait dans le blanc des yeux sans qu'aucun d'entre nous ne fasse mine de reculer, Thomas jeta ses cartes sur la table.

— Je me couche.

— Quoi ? Mais défends-moi, connard ! s'offusqua papa.

— Et perdre toutes mes économies ? T'avais qu'à pas faire une imbécile, Paul !

Comme un gosse qui se faisait gonfler, papa gonfla les joues avant de croiser les bras. Il se rencogna contre sa chaise, l'air si mauvais qu'on explosa de rire.

— Vous avisez pas de vous mettre à deux contre un, marmonna-t-il en nous jetant un regard noir. Un chieur de voisin, ça me suffisait amplement.

Une moue aux lèvres, je récupérai toutes les cartes pour les battre. Les jetons suivirent le même chemin et, quelques secondes après, je distribuai les billets qu'on avait misés. Les sommes n'étaient pas énormes, mais j'en avais récupéré une grosse majorité.

Même s'il ne s'agissait que de quelques dollars çà et là, j'aimais gagner. J'étais même une sacrée mauvaise perdante.

— T'avais l'air plutôt content que je revienne à la maison, intervins-je tandis que le ton montait entre les deux hommes. T'aurais pu refuser, je te rappelle !

— Et laisser ma fille à la rue ?

Papa laissa échapper un son qui ressemblait plus ou moins à un grognement.

— T'es mieux ici qu'à San Francisco.

Ouais, longue histoire. S'il avait pu m'empêcher de partir... Il l'aurait probablement fait.

La seule raison pour laquelle mon père m'avait aidée à déménager à l'autre bout du pays, c'était parce qu'il ne m'aurait jamais brisé les ailes. Il avait eu conscience que j'avais eu besoin de partir, alors il m'y avait aidée.

Age GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant