Chapitre 28

1.2K 134 9
                                        

Les yeux levés sur la vitrine vide qui me faisait face, je me mordillai les lèvres en me balançant d'un pied sur l'autre. L'endroit était absolument parfait, en plein cœur du centre-ville d'Hamrin. C'était facile d'accès, bien placé, et avec pignon sur rue.

Cette boutique était exactement ce qu'il me fallait. Alors pourquoi est-ce que je ne sautais pas sur le bail ?

C'était papa qui m'en avait parlait quand je m'étais levée et, poussée par le moment, je n'avais pas hésité à foncer en ville une fois mon café fini. Il fallait reconnaître que les planètes s'étaient bien alignées pour le coup.

La probabilité qu'une place déjà équipée en corrélation avec mon projet professionnel se libère pile au moment où je revenais était si faible que je n'avais pas osé en rêver. Pourtant, je me retrouvais pile face à cette réalité.

Et je ne savais pas trop quoi en faire.

Bordel, est-ce que je devais prendre ce bail ou pas ?

— Je peux voir ton cerveau fumer.

La voix grave, rauque, légèrement rocailleuse, de l'homme qui venait d'arriver s'enroula autour moi comme la douce caresse familière d'un amant. Elle était si familière que j'en fermai une seconde les yeux de contentement, réchauffée jusqu'à l'os.

— Tu es venu, murmurai-je en pivotant pour le regarder en face.

Un sourire aux lèvres, Riley pencha légèrement la tête.

— Tu m'as appelé.

Me jeter dans ses bras libéra une digue en moi, les larmes dégoulinant le long de mes joues. Je n'étais même pas triste, juste si soulagée de voir une figure familière en qui j'avais entière confiance que je me lovai contre son torse.

Riley était grand, plus encore que Thomas, et donnait parfois l'impression d'être une véritable montagne. Mais ce qui impressionnait le plus chez lui, ce n'était pas sa carrure. C'étaient ses yeux, d'un bleu absolument irréel.

Il fallait les voir au soleil pour réaliser qu'ils n'étaient pas noirs.

— Merci, bafouillai-je contre son t-shirt noir. J'avais pas réalisé que j'avais autant besoin de te voir.

— On a passé des années ensemble, Jess. Ce n'est pas parce qu'on est séparé que nos habitudes ne nous taraudent plus.

En reniflant, je levai le nez pour croiser son regard sombre.

— Tu veux dire que ça te manque que je retourne ta cuisine ?

Il ne chercha même pas à cacher l'agacement sur son visage, me laissant l'observer à la place. La façon qu'il avait d'exprimer ses émotions était si subtile que j'avais mis une éternité à apprendre à le lire.

Encore maintenant, c'était déstabilisant.

— J'apprécie de retrouver mon loft propre, finit par soupirer Riley. Au moins chaque chose est à sa place, maintenant.

— T'es juste totalement maniaque, marmonnai-je. Je nettoyais toujours tout.

Et c'était vrai ; je pouvais être un peu bordélique dans le processus, mais j'aimais la propreté. Juste pas autant que lui.

Riley faisait partie de ces gens qui n'acceptaient pas qu'un objet soit à un centimètre de sa place. Il n'en devenait pas taré quand je merdais, mais je le surprenais toujours à tout remettre en place, parfois sans même y penser.

Généralement, je le remarquais le matin, en me levant. L'oiseau de nuit qu'il était rodait en permanence dans l'obscurité, quand le monde entier dormait. C'était rare de le voir prendre plus de quelques heures de repos ça ou là.

Age GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant