Chapitre 17

1.4K 146 4
                                        

Je profitai que Paul débarrasse la table pour me faufiler sur le perron. On avait joué la vaisselle a pile ou face, et il avait perdu, ce qui m'arrangeait bien. J'avais une bonne quinzaine de minutes devant moi, peut être vingt.

Ce serait amplement suffisant pour voir comment Jess allait.

— Tu vas bien, petite ?

Perchée sur la balustrade, les jambes pendant dans le vide, elle agitait distraitement ses pieds nus, les yeux rivés sur le sol. Est-ce que c'était un pic à brochette dans ses cheveux ?

Elle avait enfilé un t-shirt beaucoup trop grand, probablement volé à son père, et semblait particulièrement enfantine comme ça. C'était si étrange de la voir comme ça, vulnérable d'une façon qu'elle autorisait rarement à émerger, que j'attrapai sa cuisse.

— Jess ?

— Quoi ? Oh, pardon, tu parlais ?

Il n'y avait pas même un semblant de rejet sur son visage, pas d'indifférence, juste... Je n'étais pas un inconnu, mais quelqu'un dont elle se fichait éperdument. Elle me répondait par politesse, comme si j'avais demandé le sel.

J'avais tué son espoir dans l'œuf, je l'avais rejetée, et le message était parfaitement passé. Son regard charmeur, empreint d'une chaleur que seuls ceux qui baignaient dans notre monde de vice et de violence pouvaient posséder, avait disparu.

— Ça va ? répétai-je plutôt que de laisser la colère me prendre à la gorge. Tu as l'air au bout du rouleau.

Un petit haussement d'épaule me répondit.

— Le stress ne m'aide pas à dormir, soupira-t-elle, mais ce sera bientôt fini. Une fois que Riley aura trouvé un moyen de combler toutes les failles de mon projet, ça ira mieux.

Son visage s'éclaira brièvement à la mention de l'autre homme, irritant mes pulsions les plus meurtrières comme de l'huile sur le feu. S'il s'était trouvé dans le coin, je l'aurais probablement déjà descendu juste pour le plaisir de le voir se vider de son sang.

Peut-être même qu'on aurait pu s'amuser à côté de son cadavre après. Ou bien s'agissait-il d'un fantasme purement personnel ?

— C'est ton ancien amant ?

Lorsque Jess fronça les sourcils, j'attrapai doucement sa joue pour qu'elle se concentre sur moi. Ça semblait être encore plus ardu que d'habitude ; ses paupières papillonnèrent longuement avant qu'elle lève ses si jolis yeux sur moi.

Je pouvais presque voir le bordel dans son crâne, le même que j'avais exorcisé l'autre jour, dans la piscine.

C'était quelque chose de purement primitif que le besoin des soumis de s'en remettre à quelqu'un d'autre pour les tirer de leur brouillard interne. Un peu de contrôle, un peu de douceur, un peu de fermeté, c'était un jeu qui demandait de l'expérience et du doigté.

Mais ça supposait aussi un lien de confiance qui ne pouvait être volé ou incité ; Jess devait choisir de me le donner. Ce qu'elle ne ferait pas, parce que je lui avais clairement signifier que je ne remplirais pas ce rôle pour elle.

Mais quel con je pouvais faire !

— Quoi ?

— Riley, c'est ton ancien amant ? demandai-je à nouveau. Ton père m'a brièvement parlé de lui.

— Oh.

Elle acquiesça doucement, pressée contre ma paume comme un chaton.

Quelque chose clochait, un minuscule détail qui me poussait à adoucir le ton et me montrer gentil avec elle. Non pas parce que j'avais merdé comme un énorme connard, mais parce qu'elle avait besoin d'autre chose.

Age GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant