L'intégralité de ma vie condensée à l'arrière de ma berline, je retrouvai avec joie le coin de pays dans lequel j'avais grandi. Tout était toujours identique, le petit village de campagne qui se trouvait à une dizaine de minutes de la ville la plus proche n'avait pas changé le moins du monde.
Après l'agitation sans fin de San Francisco, ça faisait un bien fou de retrouver le calme et les vaches. Les champs à perte de vue étaient juste divins, comme un baume à l'âme dont je n'avais pas eu conscience d'avoir besoin.
J'avais tout lâché sur un coup de tête, mettant fin de la même manière à la carrière pour laquelle je bossais comme une acharnée depuis mes dix-huit ans. Je ne le regrettais pas le moins du monde.
Ça arriverait peut-être dans les prochaines semaines, quand je me rendrais compte que j'avais probablement fait la plus grosse connerie de ma vie. D'ici là... Disons que j'avais comme intention de vivre ma vie comme je l'entendais un petit moment.
Je suivis le dédale de petites routes jusqu'à la maison de mon père, perdue aux abords de la forêt. C'était un foutu havre de paix et la revoir après si longtemps manqua de me faire pleurer. Ou bien c'était parce que j'avais atrocement envie de faire pipi depuis un sacré moment.
Je braquai un peu trop brutalement sur la petite route de terre, dépassant le saule auquel un pneu était toujours accroché pour me garer à côté du pick-up de papa. Couvert de boue, ce truc faisait passer ma voiture pour un jouet d'enfant.
Avec un petit rire, je repoussai la portière.
Comme dans un de ces films à la con que je regardais de temps en temps, je pris une profonde inspiration quand l'air pur du Montana me frappant. Je remplis mes poumons jusqu'à ce qu'ils en soient douloureux, si heureuse d'être de retour à la maison que j'avais envie de sauter de joie.
— Tu prends le soleil, Jess ?
Planté sur le proche, les bras croisés sur sa poitrine massive, mon père me décocha un de ces sourires dont il avait le secret.
— Je prends des forces avant de venir affronter l'ours qui se terre ici depuis des décennies, répliquai-je en courant le rejoindre.
Je sautai dans ses bras, savourant l'étreinte dudit ours. Il me brisa presque la colonne, mais je n'en avais absolument rien à foutre.
J'étais de retour à la maison, c'était tout ce qui comptait.
— Pas de doute, tu es bien ma teigne de fille !
La barbe longue de papa caressa mon visage quand il inclina la nuque pour m'embrasser le front.
Mince, ça aussi ça m'avait manqué ! Il portait toujours ces chemises de bûcheron qu'il adorait, sentait bon le bois fraîchement coupé qu'il adorait travailler à la main. Ses mains étaient caleuses, abimées par une vie passée à travailler avec.
C'était mon père, le seul et unique, le pilier qui m'avait élevé seul quand ma mère était morte dans un accident de voiture. Il ne faiblissait jamais, ne pleurait pas. C'était un ours, un vrai, et moi... J'étais un bébé ours qui rentrait à la tanière après avoir pris son envol.
— Tu pensais qu'on te l'avait échangé à San Francisco ? répondis-je. Désolée de te décevoir, mais je suis toujours la même !
— Sale peste ou non, je te garde toi.
C'était gentil de le préciser.
— Elph ! m'exclamai-je quand le border collie qu'il avait adopté quelques années plus tôt nous rejoignit, tout en fourrure noire et blanche.

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Age Game
RomanceAprès avoir décidé de changer de vie, Jessica Stafford emménage à nouveau avec son père pour quelques temps. De retour dans la ville où elle a grandi, la jeune femme retrouve ses marques, mais aussi et surtout le meilleur ami de son père. Thomas Fai...