Chapitre 29

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Je ne savais pas ce qui m'angoissais le plus : la conduite de Riley dans son énorme cylindrée, ou bien la certitude que ça allait tendre entre mon père et lui. L'un dans l'autre, la rencontre n'allait pas être facile.

— Détends-toi, lança mon ancien amant, une main sur mon épaule. On ne va pas signer la fin du monde.

Non, mais pas loin. J'avais la sale impression de manier une bombe nucléaire plus qu'autre chose. Ou peut-être deux, pour le coup.

Ce n'était pas qu'ils étaient stupides ou intenables, mais les hommes possédaient cette délicieuse particularité d'être capable de régresser de quelques milliers d'années selon la situation. Il suffisait de placer une femme au milieu, et c'était le bordel.

Papa s'était montré plutôt gentil avec mes copains de l'adolescence. Il les avait fait fuir à toute vitesse, mais il n'y avait pas eu de coups, ni de sang, et encore moins de mots mauvais.

Le problème, c'était que Riley était un homme adulte, un de ceux qui en imposait et impressionnait. Il mordrait autant que mon père attaquerait, et ça finirait par se taper dessus. C'était absolument inévitable, et je le savais.

Je me mordis la lèvre jusqu'au sang en sortant de la voiture pour contourner la maison. L'odeur du barbecue emplissait les environs, me poussant à saliver malgré le goût ferrique. Il m'avait promis de s'en occuper quand je partais, et je mourrais vraiment de faim.

— Respire, Jess.

Je retins de justesse un juron en découvrant Thomas alors que nous dépassions l'angle de la maison. Une bière à la main, un large sourire aux lèvres, il retournait des merguez en discutant avec papa.

La vision de son torse nu n'aurait pas dû me faire un tel effet, encore moins avec Riley dans mon sillage. J'eus presque envie de me ronronner en me lovant contre lui, de lécher la légère pellicule de sueur visible sur son pectoral.

Merde !

— Salut ! lançai-je d'une voix clairement trop tendue. Je vous présente Riley.

Les yeux plissés, papa le détailla de haut en bas. Deux fois. Puis il lui tendit la main.

— Paul.

— Enchanté.

Est-ce qu'ils payaient des taxes au nombre de mots prononcés ? Bordel, et pourquoi est-ce qu'ils se jaugeaient comme deux boxeurs prêts à mettre l'autre ko ?

Cela dit, ce n'étaient pas eux qui m'inquiétaient le plus. Thomas s'était redressé de toute sa taille, ses muscles jouant violemment sous sa peau assombrie par le soleil. Il serrait tellement les doigts sur son pic que ses jointures en étaient blanches.

J'avais peut-être mal jugé la dangerosité de la situation, finalement.

— Dites, vous voulez pas vous débloquer ? tentai-je désespérément. Si vous n'étiez pas au courant, vous ne pouvez pas éradiquer l'autre juste entre le fixant.

D'accord, donc je n'allais pas avoir de réponse. Parfait. Vraiment parfait.

— C'est un truc de citadin de ne pas dire bonjour ?

L'intervention de Thomas me donna l'impression que le sol se désagrégeait sous mes pieds. Il n'avait même pas tenté de dissimuler l'agressivité dans son timbre rauque, ni de paraître amical.

S'il avait déposé ses ustensiles, ses poings étaient aussi crispés que sa mâchoire.

— Ne...

— Thomas, j'imagine, lança Riley en détournant enfin les yeux de mon père. Jess m'a parlé de toi.

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