Chapitre 24

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— Jess, il faut que tu arrêtes.

Le nez dans une crème au beurre absolument parfaite, je jetai un regard noir à mon père.

— Je fais des gâteaux, je n'essaye pas de détruire le monde, protestai-je avant de m'attaquer à ma pâtisserie. Tu peux te détendre.

— On va faire quoi de tout ça ?

D'un large mouvement du bras, il désigna toutes mes créations de la journée, soit de quoi satisfaire trois ou quatre mariages d'une bonne centaine de personnes chacun. J'avais eu raison en disant que je ne parviendrais pas à dormir.

Je m'étais levée à cinq heure du matin, quand j'en avais eu marre de tourner dans un sens et dans l'autre comme une pauvre crêpe. J'avais tellement tapé des pieds que mon père avait jeté un coup d'œil dans le couloir.

Il était descendu avec moi boire un chocolat chaud, comme quand j'avais été gamine. Sauf que ce n'était pas un cauchemar qui m'avait tenue éveillé. Ou peut-être que si. Question de point de vue.

J'avais eu besoin d'exorciser les visions de la brune qui semblaient solidement gravées derrière mes paupières. Mon imagination était tellement débordante que je n'avais eu aucun mal à me représenter tout ce qu'ils avaient pu faire pendant la nuit.

Ah, oui, et elle n'était pas encore repartie. J'avais regardé.

— T'as qu'à en proposer aux voisins ou à tes clients, marmonnai-je. Je vais pas arrêter.

— Qui t'a énervée ?

— Je suis pas énervée !

Je faisais juste ce que j'aimais le plus : cuisiner. Pour une raison ou une autre, j'avais choisi le sucré pour aujourd'hui, probablement parce que c'était encore plus réconfortant. En tout cas, j'arrivais doucement à bout des réserves des placards.

D'ici deux ou trois préparations, j'allais me retrouver totalement à sec et désœuvrée. Là, ça serait la merde. Pour l'instant, je me contentais de laisser mon instinct parler sans trop savoir ce que je faisais. Mes mains bougeaient pour moi.

— Jess.

Je fis claquer un peu trop sèchement mon cul de poule sur le comptoir, les mâchoires serrées.

— Je vais bien, grondai-je presque. J'ai juste besoin d'extérioriser un coup. Tu veux que je parte ?

Ses yeux verts, exactement les mêmes que les miens, s'écarquillèrent violemment. La colère succéda rapidement à la surprise alors qu'il plissait les paupières. Ses lèvres pincées me donnèrent envie de chouiner comme une enfant.

Mon père gueulait rarement. Il fallait vraiment que j'aie commis une énorme bêtise ou que je lui aie fait peur pour ça. Ça avait dû arriver moins de cinq fois dans toute mon existence, et je n'avais aucune envie que ça recommence aujourd'hui.

Je ne me faisais pas assez confiance pour être capable de ne pas pleurer s'il haussait la voix. Depuis l'aube, je me cachais derrière mes connaissances culinaires et ma colère pour tenir le choc.

A l'instant où l'une ou l'autre refluerait, je finirais par m'effondrer, que ça soit à cause de l'épuisement ou de la tristesse. Parce que j'étais une guerrière sur bien des points, mais mon cœur restait salement sensible.

J'avais tenu le premier rejet de Thomas. Un deuxième, si vicieux qu'il n'avait pas été frontal, m'avait collé un sacré coup. D'ailleurs, j'avais soigneusement évité de toucher mon téléphone, histoire de ne pas voir le SMS qu'il m'avait envoyé.

En ce qui me concernait, j'allais juste rester injoignable pendant quelque temps.

— Ne m'insulte pas, Jess, me prévint tranquillement mon père. Je ne t'ai jamais mise à la porte et ça ne commencera pas aujourd'hui. Je veux t'aider, ne me repousse pas.

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