Chapitre 15

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Ensevelie sous une montagne de documents, la table à manger n'avait pas fière allure. J'avais décidé de la coloniser plutôt que de m'enfermer dans ma chambre pour bosser. C'était meilleur pour le moral, mais pas pour la productivité.

J'avais la salle impression de pédaler dans le vide. Ma to do list ne réduisait pas alors que les heures s'écoulaient. La charge de travail était démentielle et m'avait déjà fait pleurer. Deux fois.

Je cliquai rageusement sur ma souris pour envoyer le mail que je préparais depuis des heures. Je m'étais stupidement dit que transmettre toutes les infos à Riley ne me prendrait pas longtemps. Bordel, je m'étais trompée, et pas qu'un peu.

La porte du garage s'ouvrit alors que les larmes me montaient à nouveau aux yeux et mon père me décocha un regard perplexe.

— T'as pas bougé depuis ce matin ?

J'avais déjà été assise sur ma chaise quand il s'était levée et, la vérité, c'était que je n'en avais pas décollé pour autre chose qu'aller pisser. Ma réserve de nourriture était vide et je commençais vraiment à manquer d'eau, mais au moins je pouvais rayer une ligne sur mon planning.

— Je vais pleurer, prévins-je en me passant une main dans les cheveux.

— Pas sûr que ça aide.

Papa passa derrière moi pour plaquer un baiser sur mon crâne. Si ses yeux glissèrent sur mon boulot, il ne posa pas la moindre question, et ce fut ce qui m'empêcha de fondre en larmes.

J'étais au bout du rouleau, pas physiquement, mais mentalement.

— J'aurais cru que ce serait plus simple que ça, marmonnai-je en désignant mon bordel d'une main.

— Se mettre à son compte, c'était toujours compliqué.

— Ouais, mais...

Un rictus aux lèvres, il secoua la tête.

— Fais une pause, prends ton temps. Je compte pas te mettre à la porte, t'es pas obligée de finir tout ça maintenant.

Certes, mais je n'avais pas non plus l'intention d'être un boulet. C'était une chose de rentrer à la maison, une autre de dépendre totalement de mon père. J'aimais mon indépendance, et je bossais dur.

Me retrouver comme ça, incapable d'avancer, ça me mettait un sacré coup au moral.

— Tu as demandé à ton ami de San Francisco, là ? demanda papa en s'installant face à moi.

Il était largement assez grand pour que je puisse le voir derrière mon ordinateur, mais c'était drôle. En tout cas à mon sens.

On s'était retrouvé un nombre incalculable de fois dans cette situation ; il m'avait aidée à faire mes devoirs quand je vivais encore à Hamrin. Même après tout ce temps, on n'échangeait pas nos chaises. Chacun sa place.

Cela dit, il n'allait pas pouvoir m'aiguiller sur mes projets professionnels, c'était un peu trop lui demander.

— J'ai envoyé toutes les études de marché et ce que j'ai pu trouver, répondis-je. Je vais attendre qu'il y jette un œil et me réponde.

— Ça va prendre un moment avec le décalage horaire.

Je secouai la tête.

— Riley est un oiseau de nuit, il dort pas beaucoup.

Ce fut le moment qu'il choisit pour m'envoyer un message. Je jetai un coup d'œil à mon téléphone. Son message était aussi court que d'habitude ; quelques mots, tout au plus, concis et rapide.

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