Chapitre 32

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Dans la liste des choses que je haïssais, avoir mes règles arrivait clairement en tête de liste. Le monde pouvait bien brûler, ou sombrer après l'impact d'un astéroïde, tant que mon bas-ventre ne s'autodétruisait pas, ça m'allait.

Evidemment, il fallait que ça arrive tous les mois, et je ne pouvais rien y faire. La douleur refusait de me foutre la paix.

Recroquevillée sur le canapé, je jetai un regard noir à la pluie qui tombait à l'extérieur. Le temps était à l'image de mon humeur : maussade, humide, et déterminé à tout ravager devant lui. J'avais déjà piqué trois crises de colère et il était à peine midi.

Etait-ce la peine de préciser que les larmes avaient immédiatement suivi ?

Je détestais les hormones, surtout que je ne les contrôlais pas. Ce n'était même pas la peine d'essayer de cuisiner, la moindre erreur me laissait tremblante dans un coin de la cuisine, comme une loque.

— Tiens.

Mon père me tendit un chocolat chaud recouvert d'une quantité indécente de chantilly, menaçant d'ouvrir les valves à nouveau.

Il n'avait pas sourcillé quand j'avais émergé à l'aube, mes draps tâchés de sang dans les mains. Il avait préféré me faire couler un bain et préparer le petit-déjeuner. On n'avait pas eu besoin d'échanger un mot, pas même pour qu'il me tende une boîte de mouchoir qui se vidait à vitesse incroyable.

Pour une fois, papa n'avait pas quitté la maison. Il bossait dans son atelier et prenait des pauses régulières pour venir s'assurer de mon état. Il ne devait pas avancer beaucoup, mais je me sentais tellement mal que j'en avais besoin.

Oh, ce que je pouvais être pitoyable ! Riley n'allait jamais me pardonner de l'avoir déranger en plein rendez-vous professionnel parce que je m'étais persuadée qu'il me détestait.

D'accord, ça ne l'avait pas empêché de prendre une bonne demi-heure pour me rassurer, sa voix calme et posée. Il ne m'avait pas engueulée, n'avait pas été méchant, et moi j'avais couiné jusqu'à éclater à nouveau en sanglots.

— Merci, coassai-je, la gorge douloureuse. Je suis désolée.

— Tu l'as déjà dit une bonne centaine de fois.

Il se pencha pour m'embrasser le front, me poussant à me mordre la lèvre pour ne pas craquer. J'étais si sensible que la moindre trace d'affection me foutait plus bas que terre.

Cette manière que j'avais d'être totalement une autre personne quand mon cycle se manifestait était presque inquiétante. Si je n'en avais pas eu profondément conscience depuis longtemps, j'aurais probablement fini par aller voir un psy.

Ce n'était pas la première fois que je régressais jusqu'à retrouver une attitude enfantine ; les coups durs, les moments de stress intenses, avaient tendance à déclencher le phénomène. Au moins, je ne sortais pas de chez moi quand ça arrivait, réduisant drastiquement les risques.

J'avais enfilé mon pyjama préféré, celui avec les licornes colorées, son tissu si doux qu'il ne me donnait pas l'impression de me râper la peau. Quant à la bouillotte collée à mon ventre, elle était en forme de lapin.

C'était papa qui m'avait tressé les cheveux quand j'étais sortie du bain, et lui aussi qui m'avait portée jusqu'au canapé. Il me gardait à l'œil, l'air soucieux et serein tout à la fois.

— Tu as besoin d'autre chose ?

Les yeux brûlants, je secouai la tête. Ma lèvre inférieure tremblant, et je voyais bien qu'il n'aimait pas ça, sauf que je ne pouvais rien y faire.

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