Age Game

Chapitre 26

J'abattis une nouvelle fois ma hache sur un buche, les dents serrées dans l'attente du contre-coup de l'impact. Ce n'était pas dur de couper du bois, et moins quand celui-ci se trouvait être aussi tendre que les stères dont on occupait.

J'adorais ça. Certaines corvées de l vie à la campagne portaient parfaitement leur nom, d'autres, en revanche, étaient particulièrement agréable.

Le bois avait tendance à me faire cet effet ; que ce soit pour le boulot ou pour me chauffer, j'aimais le manipuler. Mes outils ne me permettaient pas de purger toute la frustration qui pouvait s'accumuler aussi rapidement qu'une foutue hache.

— Tu as envie de tuer quelqu'un, ou quoi ?

Les mains sur les hanches, Paul me décocha un sourire qui me poussa à lever les yeux au ciel.

— Tu veux t'occuper de ta partie ? proposai-je plutôt que de répondre.

— Je suis très bien là où je me trouve, je t'assure !

Sans déconner ! Il avait le bon rôle, à déplacer les bûches pour que je puisse les fendre, tandis que Jess devait récupérer les morceaux et les ranger à leur place. Elle n'avait pas tardé à rougir sous l'effort, un sacré coup de soleil sur sa poitrine.

La plupart des gens trouvaient qu'une femme en sueur n'avait rien de sexy. Là, comme ça, avec ses mèches rebelles et sa peau couverte de poussière, elle était sublime, bien loin de la citadine pour qui elle avait essayé de se faire passer.

Ou alors je devenais un peu trop sentimental avec l'âge. L'un dans l'autre, je me fichais pas mal de la raison. Elle était sublime, et j'avais envie de la dévorer du regard jusqu'à ce qu'elle soit gravée derrière mes paupières.

Finalement, j'avais plutôt bien fait de ne pas la pousser au-delà de ses limites physiques pendant la nuit. Elle n'aurait pas pu assumer cette journée autrement. Et puis, mon message était parfaitement bien passé : Jess était souriante et pleine de punch depuis ce matin.

Elle se fatiguait rapidement, désormais, assez pour que je la garde à l'œil. Qu'elle ait retrouvé sa joie de vivre pendant un court instant ne suffisait pas à m'apaiser.

— Tu tiens le choc, gamine ? demandai-je quand elle grimaça.

Les sourcils froncés, Jess acquiesça rapidement.

— J'ai du mal dormir cette nuit, j'ai la nuque en vrac, soupira-t-elle. Ça me tue.

— Massage ? proposa son père en laissant retomber la bûche qu'il tenait. Ça nous fera pas de mal de prendre une phrase et de boire quelque chose de frais. A ce rythme-là, on va finir achevé par un coup de chaud.

Ce n'était pas loin de la vérité ; notre petit trio avait abattu une charge de travail monumental, empilant stère après stère entre nos deux maisons, à l'abri des intempéries. On refaisait un sacré stock tous les cinq ans, et ça allait beaucoup plus vite avec Jess pour nous filer un coup de mains.

A cette vitesse-là, on allait être tranquille pour une décennie ou deux.

Paul avait raison : une pause ne serait pas de trop. Et une crème contre les brûlures également, d'ailleurs.

— Quoi ? marmonna la jeune femme tandis que je plantais ma hanche sur le tronc qui nous servait de support depuis aussi longtemps que je m'en souvenais. J'ai quelque chose sur le nez ?

Avec un petit rictus, je le touchai du bout du doigt.

— Joli coup de soleil.

— Oh, bordel de merde !