Épisode 33

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Ariane se détourne de Julien et s'écarte d'un pas. Elle tente de ralentir son cœur et de contenir son émotion.

— J'ai compris, dit-elle.

— Qu'est-ce que tu as compris? demande-t-il.

— Ce que tu essaies de faire. Tu es toujours agressif et de mauvaise humeur. Pour la première fois depuis que je te connais, tu viens d'avoir l'air heureux. C'est quand j'ai décrit ta mort, en train de perdre ton sang, avec moins de soixante secondes à vivre. C'est ça qui t'attire, hein?

— Qu'est-ce qui m'attire?

— Mourir. Tu joues encore à la roulette russe.

Julien sourit d'un air narquois.

— Peut-être.

— C'est pour ça que tu prends tous ces risques idiots, comme retourner dans la maison des Poulin allumer le feu alors que la police s'en vient, comme mettre une caméra dans leur chambre alors que tu es supposé surveiller la porte. Comme me kidnapper. C'est pour ça que tu m'as tout raconté. Tu te fous que je répète ça à la police parce que tu vas être mort à ce moment-là.

— Je ne mourrai pas avant de m'être vengé.

— C'est ça, le sens de la dernière image de ton tatouage. La personne qui tombe de la falaise, c'est toi. Tu te suicides pour échapper à la police après avoir tué Charles Poulin.

— La seule raison pour laquelle je suis encore vivant, dit-il, c'est pour l'emporter avec moi. Ensuite, rien ne me retiendra.

Ainsi, Ariane a bien deviné. Elle imagine son ravisseur fané dans le gris de la mort. Corps inanimé, chair qui se décompose, son beau visage figé dans une grimace éternelle. L'adolescente se sent devenir glacée.

— Ce n'est pas possible, dit-elle. Je ne peux pas croire ça.

— Je te l'ai dit, continue Julien, je suis déjà mort. Le désir de vivre m'a quitté quand j'ai trouvé le cadavre de mon oncle.

L'indifférence avec laquelle il parle est encore pire que ses mots.

— Quelque chose s'est cassé dans ma tête, continue-t-il. À part ma haine des Poulin et mon envie de mourir, je ne ressens rien. Tout est desséché.

— Tu dois voir un psychologue!

— J'en ai vu.

— Quand tu me parlais de ta vie avec ton oncle, tu avais l'air heureux. Rappelle-toi comment c'était à ce moment-là! Tu peux redevenir comme ça! La vie est belle, Julien! Regarder un coucher de soleil, manger un cornet de crème glacée, courir sur une plage...

Il rit.

— Tu es encore plus nounoune que mes psychologues. On dirait que tu as douze ans.

Ariane se raidit et ses pensées tournent à l'acide.

— Parce qu'il faut avoir douze ans pour aimer la vie, selon toi?

— Il faut avoir douze ans pour s'imaginer que c'est une suite de couchers de soleil, de courses sur la plage et de cornets de crème glacée. Ou il faut vivre dans la ouate dorée des super-riches.

— Je suis peut-être naïve, réplique-t-elle, mais je comprends que tu veux te tuer pour arrêter de souffrir. Tu souffres tout le temps parce que tu es bloqué dans le moment où tu découvres ton oncle. C'est triste.

Le sourire narquois s'efface du visage de Julien.

— Et toi qui es avec David pour son argent, ce n'est pas triste, peut-être? Parce que, désolé, mais c'est clair que tu ne l'aimes pas. Essaie pas de me faire croire que tu coucherais avec lui s'il n'était pas riche.

Protection dangereuse [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant