Épisode 51

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L'autobus arrive et les gens qui attendent montent à l'intérieur. Il part et la file se reforme. Ariane réalise qu'elle n'a pas choisi le meilleur endroit pour rencontrer Julien. De nombreuses personnes passent près d'elle pour aller au métro, dans l'immeuble qui abrite la bibliothèque, dans le marché public qui se trouve en face ou dans les nombreux cafés et magasins du quartier. Dans la file pour l'autobus, un homme desséché lui jette des coups d'œil. La reconnaît-il? Les médias ont publié plusieurs photos d'elle après le kidnapping.

Si Julien vient, comment va-t-il s'arranger pour ne pas être reconnu? Il pourrait stationner dans la rue transversale, loin des curieux, et la prévenir avec un texto. En moins qu'il se soit déguisé et s'approche?

Les regards de l'homme l'inquiètent. Ariane se lève du banc, feint d'entrer dans la bibliothèque et s'abrite derrière un pilier couvert de brique.

Elle aurait dû appeler Julien d'un autre endroit et pense au cimetière Côte-des-Neiges, juste à côté. Les cimetières sont toujours déserts et on peut y circuler à pied comme en voiture. Mieux vaut s'y rendre et rappeler Julien de là, c'est beaucoup plus sécuritaire pour lui... et pour elle. Au moment où elle s'éloigne, son téléphone se met à vibrer. Elle a reçu un courriel.

Je veux te parler. On se retrouve au parking de la Plaza Côte-des-Neiges, OK? L'étage le plus bas.

- Julien

Il va venir! La jeune femme tremble et ramollit tandis que la joie et la peur s'emmêlent. Mais ça, c'était la partie facile et elle recommence à prier. « Faites que je trouve les mots pour le convaincre. Et faites qu'il n'ait pas fait de mal à M. Poulin. » Si M. Poulin est mort, tout est fini entre eux.

Au moment où la prière quitte son esprit, les mots à dire apparaissent. « Je t'ai couvert, je t'ai protégé. Tu as une dette envers moi. Je ne veux pas être mêlée à un meurtre et tu ne peux pas me l'imposer. » Julien a un sens de l'honneur étonnant. Si Ariane lui présente les choses de cette manière, il pourrait changer d'avis et épargner son ennemi.

Elle sait où se trouve la Plaza Côte-des-Neiges, plus bas sur la rue, décide de s'y rendre à pied et répond au courriel.

Je vais être là dans une quinzaine de minutes.

Julien envoie un autre message.

Moi aussi.

L'envie de lui écrire qu'elle l'aime surgit, mais Ariane se retient. Elle ne peut pas aimer un assassin.

Sa poitrine se serre. M. Poulin est-il déjà mort? En même temps, la drogue du bonheur l'étourdit. Avec tous les policiers à sa recherche, Julien est fou de venir, mais ça prouve qu'il tient à elle. La rue descend de manière prononcée et Ariane se met à marcher.

Un parking, se dit-elle. Pour un rendez-vous secret, c'est pas mal mieux qu'un arrêt d'autobus.

Il fait un ou deux degrés, le ciel est gris et la journée est triste, avec des tas de neige éparpillés qui fondent lentement. Ariane marche vers son rendez-vous, parmi les piétons qui encombrent le trottoir, et sent qu'elle est observée. Une femme à la peau cuivrée la regarde étrangement. Plus loin, à un feu rouge, près des immenses et affreux immeubles de l'hôpital Juif, c'est un chauve en manteau gris.

Elle se crispe et une boule se forme dans son estomac. Est-elle en train de causer un désastre qui va mener Julien à sa perte? Comment ça serait possible? Un parking est un endroit discret et personne ne va les voir. À moins que... et si des policiers la filaient? Orang-outang et Rhinocéros sont malins. Peut-être ont-ils deviné qu'Ariane et Julien allaient se revoir, qu'ils ont fait surveiller sa maison et la suivent depuis son départ?

Protection dangereuse [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant