Épisode 31

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Engluée dans la tristesse et l'horreur, Ariane monte l'escalier en se remémorant ce que B vient de lui raconter: la manière dont il veut se venger de M. Poulin. Son estomac se tord, sa respiration est difficile, des étourdissements l'assaillent. Elle se réfugie dans sa chambre, mange le repas que le chauve lui apporte, puis reprend courage et redescend l'escalier.

Les trois complices de B sont assis sur le divan du salon et discutent dans leur langue en regardant une tablette, qui est posée sur les genoux de l'un d'eux. Quand Ariane surgit, l'homme retourne l'appareil, mais elle a eu le temps de voir la photo de David. La poitrine de l'adolescente se serre. Les tortures ensanglantées que B lui a décrites ont taché son cerveau à jamais et imaginer que son amoureux les subit est encore plus affreux.

Deux des hommes la fixent, le chauve d'un air neutre, celui qu'elle connaît le moins avec hostilité. Le roux à l'œil tuméfié a détourné le visage, mais Ariane sent qu'il la guette du coin de l'œil et est prêt à bondir sur elle.

Il porte ses bottes extérieures. La neige fond sur le tapis fleuri et forme une flaque sale, près de quelques mégots. Il règne une odeur de tabac, de sueur et de fruits pourris.

B et sa tante se trouvent dans une pièce aux grandes fenêtres et remplie de plantes vertes, assis à une table couverte de matériel d'artiste. Au milieu, trois roses occupent un vase.

— Plus rond, dit sa tante.

— Comme ça? demande B, qui tient un pinceau.

— Rond, j'ai dit.

— C'est rond!

— Non, c'est ovale. Le pétale n'a pas la même forme.

— C'est quand même ressemblant, dit B.

Ariane ne l'a jamais vu dans cet état: il est rouge et nerveux. Manifestement, il est plus habile avec un pistolet qu'avec un pinceau.

Bien sûr, les tremblements de la femme l'empêchent de peindre et B la remplace. Ariane regarde son œuvre et pouffe de rire. Ça ressemble à un ouragan peint par un singe.

— Essaie en fermant les yeux, dit-elle. Ça pourrait t'aider.

Sur le visage de B, le rouge s'intensifie.

— Parce que tu penses que tu peux faire mieux?

Ariane saisit un pinceau, un bloc de papier, et peint les fleurs en se servant des pastilles de couleur de B.

Pendant quelques instants, elle travaille en silence, puis la tante demande à voir le résultat.

Elle pousse un cri.

— Regarde, Julien! Elle a du talent, elle!

Julien! C'est comme ça qu'il s'appelle! Ariane jette à son ravisseur un regard ironique.

— Tu es encore plus menteur que je croyais. Ton prénom ne commence même pas par B.

Le criminel jette un coup d'œil à sa tante, qui examine la peinture.

— B, explique-t-il, c'est pour Bruno Laforce, ancien soldat qui a été déployé en Afrique.

— Bruno Laforce, dit Ariane. Bon choix. C'est très militaire.

— J'aurais préféré Bruno La-destruction-totale. C'est encore plus militaire, mais personne ne s'appelle comme ça.

Ariane pense à ses plans pour M. Poulin.

— La-destruction-totale est un nom qui te va bien.

Elle désigne du menton la peinture de B.

— Tu vas avoir le temps pour te pratiquer quand tu vas être en prison.

Protection dangereuse [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant