Épisode 5

2K 225 340
                                    

Ariane se tourne, regarde le bodyguard, tente de cacher son trouble et revient à David. Leur nourriture arrive et ils commencent à manger.

— Je m'excuse de m'être fâché contre toi samedi, déclare David. Si tu veux qu'on arrête de sortir ensemble un moment, je respecte ta décision. Mais ça me briserait le cœur.

Ces mots touchent Ariane et elle sent, dans sa poitrine, son amour fleurir.

— Évidemment, que je veux encore sortir avec toi! Je me suis ennuyée toute la semaine.

— Je t'aime, dit-il.

Elle baisse les yeux.

— Je t'aime aussi.

— Comme ça, je suis pardonné?

— Oui.

— Je ne te mettrai plus de pression. J'attendrai que tu sois prête.

— D'accord.

David avance la main, saisit celle d'Ariane et la caresse. L'adolescente demeure immobile et savoure la sensation douce et excitante des doigts qui se promènent sur sa peau.

Elle admire le visage de son chum et sa partie préférée: la bouche aux lèvres minces, qui se tord d'une manière provocante. David lui a plu dès la première rencontre, quand elle était allée chez Myriam faire un travail d'équipe, avec sa grande taille, ses yeux bleus acier, ses cheveux coupés ras et ses taches de rousseur.

Pour lui, la vie est facile et il pose sur tout une expression amusée. Comme à tous les jours de travail, il porte complet et cravate, dans le style conservateur que son père lui impose et qui dévoile son identité: un jeune et puissant administrateur. Il sort une enveloppe de son manteau.

— C'est une petite surprise en avance pour tes dix-huit ans.

Ariane tire de l'enveloppe la reproduction d'une peinture impressionniste, avec quelques mots griffonnés: « je t'aime comme un fou », et une carte-cadeau de 500 dollars pour une boutique de vêtements de luxe sur la rue Laurier.

— Merci, dit-elle, même si ce geste exagéré la laisse indifférente.

David se penche par-dessus la table et colle sur la bouche d'Ariane ces lèvres qui lui plaisent tant. Elle ferme les yeux et ils échangent un autre baiser, nettement plus long et réussi que le premier.

Quand elle revient à la réalité, elle réalise qu'une serveuse a tiré un rideau, parce que la lumière du soleil dérangeait les clients, dévoilant un mur couvert d'un miroir dans lequel se reflète le beau garde du corps. Ariane devient confuse.

—Si jamais tu veux me donner un cadeau qui me ferait vraiment plaisir, dit-elle, viens faire du bénévolat avec moi pour l'environnement. Juste quelques heures.

— Je ne sais pas si je t'aime à ce point-là, répond David.

Elle doit faire une drôle de tête car il se met à rire.

— Je plaisante. Bien sûr que je voudrais m'impliquer. Mais, tu sais, avec tout ce que mon père me demande pour apprendre à diriger la compagnie, j'ai juste le temps de me reposer.

Ariane le sait. Le père de David travaille tout le temps et il en exige à peu près autant de son fils.

Le reflet du garde du corps la magnétise et Ariane le détaille. L'envie de se tourner vers l'homme et d'entrer en contact par les yeux la démange.

— Ton garde du corps est jeune pour faire ce travail, dit-elle.

— Tu as raison. C'est le seul qui a notre âge. Mais je ne sais pas si je vais le garder.

— Pourquoi?

— Je n'aime pas être avec lui. C'est un démon. Le genre de gars qui peut te tirer une balle entre les deux yeux sans rien ressentir.

Ça confirme l'impression d'Ariane: l'inconnu irradie le danger. Malheureusement, elle ne se sent pas moins attirée.

— Ça ne me dérangerait pas trop s'il était respectueux, continue David. Je n'aime pas son attitude. Il a l'air de s'imaginer qu'il vaut plus que moi.

— Il s'appelle comment?

— B.

— Pardon?

— Nos gardes du corps ne sont identifiés que par une initiale. Question de sécurité, supposément. Le pire, c'est que ma sœur trippe sur lui. Elle voulait absolument l'avoir.

— Pourquoi?

— Elle le trouve beau! Tu le trouves beau, toi?

— Non, dit Ariane.

— Papa est allé voir B pour lui dire que, si quoi que ce soit se passe entre Myriam et lui, il le ferait congédier. Sais-tu ce que B lui a répondu? « Je fais toujours ce que je veux, M. Poulin. » Papa a appelé son patron pour s'en débarrasser mais il est encore là parce que la compagnie manque de personnel.

— Alors Myriam va lui mettre le grappin dessus?

— Myriam et les gars, soupire David. Tu sais bien que ça ne dure jamais. Mais assez parlé de ça.

Il décrit ses tâches et son projet actuel: avancer la mise en marché de la fibre optique en Asie. Ariane l'écoute en essayant de cacher la vérité: elle s'ennuie.

Ça arrête d'un coup quand le beau démon se lève et s'approche.

Elle ne peut s'empêcher de lui sourire mais l'effet est nul. Ariane pourrait tout aussi bien être transparente. Il ne la regarde même pas.

— C'est le temps de rentrer, dit-il à David.

Sa voix brutale donne des frissons à Ariane.

— Encore quinze minutes, proteste David. Tu vois bien que je n'ai pas fini de manger!

— Non.

Son chum défie du regard le garde du corps, qui ne s'adoucit pas. Ariane pense qu'ils vont se disputer, mais David cède. Avec mauvaise humeur, la voix courroucée, il appelle la serveuse, paye le repas, dit au revoir à Ariane et s'en va.

[suite vendredi le 1er juillet]


Protection dangereuse [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant