« Il est déséquilibré! pense Ariane. Je suis aux mains d'un déséquilibré! »
L'adolescente marche de long en large dans la pièce, allant de la fenêtre bouchée par les planches à la porte verrouillée. Les idées sombres la glacent et elle serre ses bras sur son corps pour se réchauffer.
Ce que B a dit n'a aucun sens. Ariane est une bonne personne, ou en tout cas elle s'efforce d'en être une. Elle n'est pas parfaite, d'accord, mais pourquoi aurait-elle honte de se regarder dans le miroir? Elle ne détruit pas les autos, elle n'installe pas des caméras dans les chambres à coucher et elle ne kidnappe pas les gens!
B est un fou et rien n'est plus effrayant, parce qu'en l'absence de logique tout devient possible. Il pourrait tuer Ariane sur une impulsion.
Et pourtant, il est redoutablement intelligent, elle doit le reconnaître. Déséquilibré, intelligent, séduisant. Une combinaison dangereuse. Qui veut-il lui faire rencontrer pour démontrer qu'elle est une sale personne? Ariane sent qu'il ne parlait pas au hasard mais pensait à quelqu'un de bien précis. Un vétéran de l'armée que la société a laissé tomber? Une malade mentale condamnée à la rue? Le monde est mal fait, Ariane le sait. Mais elle n'a que dix-sept ans. B ne peut quand même pas lui reprocher l'injustice qui règne!
Ou alors, cette personne a des liens avec Ariane. Avec qui a-t-elle mal agi?
Tout de suite, un nom lui vient. En dernière année du primaire, sa classe s'est acharnée sur une élève vulnérable et immature. La petite Charlotte. Les élèves ont inventé des manières perverses pour l'humilier.
Charlotte ne supportait pas certains mots, se rappelle Ariane. S'en est-elle sortie ou a-t-elle gardé des séquelles? L'adolescente voudrait revenir en arrière, changer ses actions, défendre Charlotte et laver ses regrets.
Non. Ce n'est pas elle. B ne peut pas connaître Charlotte. Et puis, Ariane était l'une des moins pires. Deux ou trois filles étaient monstrueuses et les autres suivaient, en partie par peur de subir le même traitement. On est faible quand on a onze ans.
Les muscles d'Ariane ramollissent et ses yeux se ferment. Elle ignore l'heure, mais voit la nuit par les interstices entre les planches de la fenêtre. Reprendre des forces est important. Elle éteint la lumière, enlève ses bottes d'hiver, qu'elle portait encore, s'allonge toute habillée sur le matelas et s'enveloppe d'une couverture.
Se détendre est impossible.
Des vagues de douleur traversent son coude. L'adolescente le masse et bouge son bras dans tous les sens. Rien ne semble cassé.
Une odeur de moisi émane du matelas, qui est déformé par les années. Ariane n'arrive pas à trouver une position confortable et s'imagine que des insectes vont l'attaquer. Sa peau la pique déjà. Elle serre la couverture, en laine rugueuse et très propre, et se voit fuir la maison. Elle se retourne, fait un « fuck you » à B, crache vers lui. Son témoignage permet à la police de l'arrêter. Ariane participe à son procès, le fait condamner à vingt ans de prison et le visite, juste pour le narguer.
Elle ne doit pas désespérer. Tous les policiers de Montréal vont la chercher et les gardes du corps des Poulin aussi. Vont-ils réaliser que l'ennemi se trouve dans leurs rangs? À force de poser des gestes risqués comme installer la caméra, B va se faire prendre.
Par les interstices entre les planches de la fenêtre, la lumière apparaît. Le jour se lève.
Ariane a envie de pipi. Elle s'approche de la porte.
— Il y a quelqu'un?
Silence. Ariane frappe sur la porte, répète sa question, crie qu'elle a besoin d'aide. Après une trentaine de secondes, des pas s'approchent. Ses ravisseurs doivent avoir installé un micro.
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Protection dangereuse [Terminée]
Mystery / ThrillerDes deux dangers, la mafia russe n'est pas le pire. Ariane a 17 ans et sa vie ressemble à un conte de fées. Elle est très jolie, sa famille vient de pénétrer le milieu des ultra-riches et elle sort avec l'héritier d'une des plus grosses fortunes du...