Chapitre 1 - Charlotte

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Vingt heures moins le quart.

     Je suis assise sur mon canapé confortable du loft du quartier Contade que l'on a acheté Fabien et moi six mois environ avant qu'il ne parte à Washington. Il a coûté une fortune. Aussi bien l'appartement situé en attique d'un immeuble de grand standing que le canapé en cuir d'angle. Il voulait un grand canapé, qui puisse se transformer en lit quand des amis veulent dormir à la maison, mais en réalité, à part Audrey, ma meilleure amie que Fabien déteste au plus haut point, personne n'est jamais venu dormir chez nous. Et encore, Audrey ne passe la porte de notre cocon que depuis qu'il est parti vivre à l'étranger. Fabien est un solitaire, il aime que l'on vive tous les deux, tranquillement, sans devoir supporter l'avis d'un tel ou un tel. Moi je suis le contraire, j'ai toujours aimé m'entourer d'amis, sortir en soirée, danser, mais je me suis conformée aux habitudes de mon fiancé, par amour et surtout parce que passer du temps avec lui est devenu plus important que le reste. De ma vie d'avant lui, je n'ai gardé qu'Audrey, mon petit troll. Je la surnomme ainsi à cause de ses cheveux qui changent de couleur en fonction de son humeur. Un jour ils sont roses et le lendemain bleus. Cette fille est mon rayon de soleil et surtout mon soutien quand je me sens seule et que je déprime sans Fabien.

     Comme deux fois par semaine, j'attends son appel. Il me téléphone en visio à sa pause de quatorze heures. Avec le décalage horaire, il est vingt heures en France. Avant nous nous téléphonions chaque jour, mais au bout d'un an, les appels se sont espacés. Il est architecte. Il a décroché une place pour travailler sur un très gros projet innovant de deux ans aux Etats-Unis et il a énormément de travail. Je sais qu'il enchaine des journée de folies et qu'il a peu de temps à m'accorder alors je suis déjà contente que l'on puisse se parler deux fois par semaine. Je ne veux pas être trop exigeante.

     Je porte la jolie robe noire portefeuille qu'il m'avait offerte pour mon anniversaire. En dessous, j'ai choisi avec soin des sous-vêtements en dentelle bordeaux, au cas où ! Il nous arrive parfois, lorsqu'il a un peu plus de temps, de se chauffer un peu en visio, et la robe portefeuille est parfaite pour se défaire en un tour de main. Il me manque, son corps me manque, son odeur... Je souris en me souvenant des multiples fois où l'on a fait l'amour sur ce canapé, devant un film que l'on ne regardait jamais... Plus qu'un an, en réalité onze mois. Dans onze mois, son contrat sera terminé et il rentrera en France. Notre date de mariage est déjà fixée. Une entreprise se charge de tout, du traiteur à la salle, aux décorations, et aux faire-part. Je n'ai rien à faire, Fabien a tout organisé et payé. Il ne me reste que ma robe de mariée à choisir.

        Mon téléphone sonne, il est vingt heures pile. Fabien est toujours d'une ponctualité exemplaire. J'appuie avec empressement sur le bouton visio.

— Salut ma puce, comment tu vas ?

— Salut chéri. Bien et toi ?

— Beaucoup de boulot, je ne vais pas pouvoir rester longtemps au téléphone. Je ne prends que vingt minutes de pause, le temps de manger un petit bout vite fait. On est en plein rush sur les plans de la passerelle qui va relier les deux musées.

— Oh je vois. Avec tous tes repas pris en deux deux, je vais te retrouver avec dix kilos en moins.

— Je vais à la salle de sport pendant que toi et ton joli petit derrière dorment dans mon lit alors ne t'en fait pas. J'aurais peut-être perdu du gras, mais je vais revenir tout en muscles.

— Tu me manques.

— Toi aussi tu me manque ma puce. Tu portes la robe que je t'ai offerte ? relève-t-il avec un sourire.

— Oui, tu as remarqué.

— Hmm, t'es tellement belle dans cette robe. J'aimerais être près de toi, là tout de suite, et te l'enlever doucement, pour découvrir tes petits seins.

Un bruit de fond se fait entendre et des voix derrière Fabien.

— Tu es où ? Tu n'es pas seul ?

— Non, je suis dans la salle de pause du cabinet, y'a des collègues qui viennent de débarquer. Je vais devoir te laisser ma puce. Je te rappelle vendredi soir.

     Il me mime rapidement un baiser en arrondissant ses lèvres puis raccroche avant que je ne puisse répondre. J'éteins mon téléphone, dépitée. Il est à peine vingt heures quinze. Plus le temps passe et plus j'ai l'impression que nos appels sont courts. Je m'enfonce dans le canapé et remonte mes jambes en dessous de mon menton. Je tente de me retenir de pleurer, mais des larmes s'échappent sans me demander la permission. Je me sens minable de pleurer pour ça, comme une gamine capricieuse ! Il travaille dur et fait du mieux qu'il peut pendant que moi je suis ici tranquillement à l'attendre. Je n'ai pas le droit de lui en vouloir de m'accorder peu d'attention. Ce n'est que pour onze mois encore, onze petits mois, ensuite nous serons ensemble et nous pourrons profiter l'un de l'autre chaque jour. Mais la solitude me pèse. Est-ce mal d'avoir envie de sentir un corps chaud nous prendre dans ses bras et nous protéger. Ses caresses sur mon corps me manquent, ses baisers me manquent.

     Je finis par m'endormir toute habillée sur le canapé et me réveille en sursaut vers trois heures du matin, après avoir fait un cauchemar dans lequel j'imaginais Fabien au lit avec une blonde. Je sais pas pourquoi une blonde, il n'était toujours sorti qu'avec des brunes avant moi et je ne fais pas exception à la règle. Je tâtonne dans le noir à la recherche de mon smartphone. Une fois la main dessus, je décide de tenter de l'appeler, pour entendre sa voix, juste encore un peu. A Washington, il n'est que vingt et une heures. Mais comme chaque fois que je tente de l'appeler en dehors des heures où lui décide de me contacter, personne ne décroche.

Kiss me... Good byeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant