Chapitre 10 - Dorian

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Je squatte chez Mika depuis hier, je n'avais pas envie de rester seul ni d'être avec une fille non plus. Ça devient problématique. Mon portable n'arrête pas de sonner depuis ce matin, ce qui n'arrange rien à mon humeur merdique du jour.

— Ta mère ? me demande Mika en se posant sur la chaise en bois de la terrasse à côté de moi.

— Ouais, je réponds laconique.

— Tu devrais lui répondre au moins une fois, non ?

— Pour quoi faire ? Elle m'appelle que quand elle sait que je suis de retour sur Stras. Elle veut encore me taxer du fric pour je ne sais pas quoi.

Mika ne sait pas tout sur ma vie ni sur mon enfance. Seul Karim est au courant ce que j'ai vécu et je n'ai pas spécialement envie de m'attarder sur le sujet. Moins j'en parle, mieux c'est. Je n'ai pas revu ma mère depuis six ans maintenant et avant c'était en dents de scie, quand je n'arrivais pas à l'éviter malheureusement. Mais elle ne lâche pas l'affaire et me harcèle au téléphone chaque fois que je suis en ville. À croire qu'elle a un radar pour me détecter, car je ne sais pas comment elle peut savoir. Ce n'est pas comme si elle s'intéressait réellement à moi. Elle ne mérite même pas le nom de mère ! Quand j'étais gosse, elle se contentait de m'ignorer la majeure partie du temps et de faire comme si je n'existais pas. Je la gênais, je gâchais sa jeunesse comme elle savait si bien me le faire comprendre. À tel point que je pouvais faire tout ce que bon me semblait du moment que je n'étais pas dans ses pattes. Je me souviens d'un été quand j'avais neuf ans, j'ai passé deux semaines entières chez les parents de Karim, sans que ma putain de génitrice ne s'en rende compte. J'ai souffert de cette solitude et comme un con j'espérais avoir son attention, son amour... On est débile quand on est enfant, on a trop d'espoir. On n'a pas encore conscience de la noirceur que peut avoir un cœur. Adolescent, on est encore plus bête... Je déteste le moi de cette époque qui aurait fait n'importe quoi pour lui plaire et qui s'est laissé faire dans l'espoir de recevoir un peu d'affection. Mais ce n'était pas de l'amour, elle ne m'a jamais aimé et j'aurais dû me casser loin quand je n'étais encore qu'un gamin innocent. Sa voix hante toujours mes nuits et je n'arrive pas à me défaire de ce qu'elle m'a fait. J'attends qu'elle meure avec impatience, pour être enfin délivré de cette merde. Rien que de penser à tout ça, une boule se forme dans ma gorge. J'ai envie de hurler toute cette rage qui est bloquée en moi, mais je me retiens. Je sens les larmes monter. Je penche la tête en arrière et prend une grande inspiration, puis je souffle lentement en espérant réussir à contenir tout ce que j'ai à l'intérieur. Pas maintenant, ça ne peut pas sortir maintenant. Je me redresse avant d'avaler une gorgée de bière pour m'aider à enterrer temporairement toutes ces émotions.

Au bout de quinze minutes, la sonnerie s'arrête. Ça y'est, elle abandonne pour aujourd'hui, elle recommencera demain !

— Pourquoi tu ne bloques pas son numéro, puisque tu ne veux pas décrocher de toute manière ?

Je regarde mon téléphone sans répondre. Bonne question, je ne sais même pas pourquoi je ne la bloque pas ! Chaque fois c'est pareil, elle veut juste obtenir quelque chose de moi encore et toujours. Peut-être que je veux voir jusqu'où elle est capable d'aller dans son délire. Je veux voir combien de temps va durer cette comédie avant qu'elle abandonne où une infime part du petit garçon toujours en moi espère qu'elle m'aime, comme un con. Je n'en sais rien, je ne comprends pas mes propres réaction parfois. Je jette mon téléphone sur la table et me pince l'arête du nez.

— Je n'en sais rien !

— Yo ! crie une voix dans le salon, t'es là ? Mika ?

— Sur la terrasse !

La sœur de Mika débarque avec des cheveux... roses ? Elle n'avait pas les cheveux verts la semaine dernière ? J'esquisse un sourire tout seul devant les excentricités d'Audrey. Puis j'entends une petite voix derrière elle dire bonjour. Ce qui me remonte le moral d'un coup, même si je ne sais pas vraiment pourquoi.

Kiss me... Good byeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant