Chapitre 24 - Charlotte

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Il ne peut pas aimer... Mais l'être humain est constitué pour aimer, c'est un état normal. On le fait d'ailleurs sans y réfléchir, sans aucun contrôle. Qu'a-t-il pu vivre par le passé pour penser qu'il est incapable du moindre sentiment. Dorian est une énigme que j'ai envie de percer à jour, mais pas ce soir, car je sens que ce n'est pas le moment. Je ne vais pas insister parce que je sais ce que c'est de ne pas avoir envie de raconter des parties de notre vie douloureuses. Je pose ma main sur sa cuisse. Je veux lui faire comprendre que je suis là pour lui. J'ai envie de me lover contre lui. Même bien plus. Si nous étions un couple, je grimperais à califourchon sur ses genoux, j'attraperais ses dreadlocks et enfouirais mon visage dans son cou. Je lècherais sa peau, la mordrais en glissant mes mains sous son tee-shirt. Je sens une vague de chaleur me submerger d'un coup.

— À quoi t'es en train de penser toi ? Petite vicieuse ! s'amuse Dorian.

Instinctivement, je place ma paume sur ma joue brulante. Je dois être rouge comme une tomate et la honte s'insinue en moi.

— Bah au moins, y'a pas que moi qui aurai surchauffé ce soir ! continue-t-il de plaisanter.

— Je ne pensais à rien, c'est juste le café qui me donne chaud.

— Ouais bien sûr, ricane-t-il en me faisant un petit non avec des mouvements de tête. Ça aurait pu être plausible si tu avais commencé à le boire, ton café... vient-il me susurrer dans l'oreille.

Un petit rire nerveux sort de mes lèvres et je plonge directement sur ma tasse pour avaler le liquide marron.

— Bon, je crois que c'est le moment de se mater un film bien chiant pour se calmer tous les deux ! plaisante Dorian en attrapant la télécommande de la télé.

Je m'enfonce dans le canapé sans un mot. Au Moyen Age on m'aurait brulée sur un buché pour pensés impures. Je ne me souviens même pas avoir nourri ce genre de fantasmes avec Fabien, où j'ai juste oublié avec le temps. Et notre deal doit durer dix mois... Je vais m'acheter une ceinture de chasteté demain !

Dorian cherche un film sur un site et je ne sais pas où poser mes yeux qui sont irrémédiablement attirés par lui. Sa pomme d'Adam qui monte et descend lorsqu'il déglutit. Il s'est calmé bien plus vite que moi, je n'y arrive pas. Je suis à ce point en manque de sexe ? Et puis soudain, je me souviens où je suis assise... sur le canapé qu'on a acheté avec Fabien ! On a fait l'amour dessus le dernier jour avant son départ. J'ai même pleuré après à l'idée qu'il parte, de savoir qu'on ne se toucherait plus pendant deux ans. Mes doigts s'agrippent au cuir et la culpabilité me gagne... Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Alors que mon fiancé se démène sur son projet aux États-Unis, moi je fais n'importe quoi. Il ne mérite pas ça, je n'ai pas le droit de le trahir après tout ce qu'il a fait pour moi...

— Ça te va ce film ? me demande Dorian en tournant le visage vers moi.

Le son de sa voix me sort de ma torpeur.

— Euh... Oui.

Il a choisi un film de zombie inconnu au bataillon, de quoi couper toute envie de sexe... ou pas !

— Au final, tu ne m'as toujours pas joué un petit truc privé ! C'est bien beau de se trimballer avec une guitare non-stop si c'est juste pour la déco ! je lance, espiègle.

— Je ne crois pas que tes voisins apprécient le son à cette heure-ci ! Mais je peux t'emmener au studio de répètes demain matin, on sera tranquille.

— Pourquoi pas !

— La semaine pro, je ne serai pas là alors autant en profiter.

Pourquoi j'ai comme un pincement au cœur à l'idée de ne pas le voir la semaine prochaine ?

— Ah bon ! je fais.

— On va à Berlin. Un groupe de métal allemand qu'on a rencontré en festival nous a invités.

— C'est cool ! L'ambiance en festival doit être chouette, ça vous permet de faire de nouvelles rencontres.

— Les festivals, c'est vraiment top ! L'organisation est parfois un peu pourrie et tu as toujours quelques groupes qui te prennent un peu de haut, mais comme tu dis, l'ambiance est géniale. On fait la fête non-stop et on est HS à la fin.

— Je me demande ce que ça fait de le vivre de l'intérieur et non en spectateur, dis-je pensive en rabattant mes genoux en dessous de mon menton.

— T'aime bien les festivals ?

— Je suis allée au Hellfest, aux Eurokéennes de Belfort et aussi à un festival en Hongrie, mais je n'ai plus le nom en tête.

— Alors j'espère que tu viendras nous voir au Hellfest l'année prochaine, on y sera ! m'annonce-t-il avec un grand sourire.

— Sans blague ! je m'esclaffe en me redressant. Wow, c'est génial. Faudra m'avoir des places alors, car pour réussir à décrocher des billets, c'est hyper compliqué.

— Ça doit pouvoir se faire sans problème ! Quand on est programmé sur un festival on a toujours des places offertes pour des proches.

J'aimerais y aller... mais je sais que ce ne sera pas le cas. Fabien déteste les festivals, la promiscuité avec tous ces gens, dormir dans une tente et ne pas se laver pendant trois jours... L'année prochaine, pour le Hellfest, je serai mariée. Pourquoi d'un coup j'ai un doute quant à ce mariage ? Pourquoi j'ai ce sentiment de frustration qui m'envahit insidieusement... 

Kiss me... Good byeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant