Chapitre 17 - Dorian

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J'avoue qu'on a été chien sur le coup. Connaissant le caractère de Solène, c'était clair que le ton allait monter, mais j'ai été pris de court par la réplique de Charlotte. Elle parait toujours un peu sur la réserve, jamais je n'aurais imaginé qu'elle lâche ça comme ça !

Elle me regarde avec hésitation. Elle a très bien saisi à quoi je faisais allusion si elle veut récupérer le billet. J'aimerais bien qu'elle le fasse, mais elle ne le fera pas ! Elle semble être une fille bien. Une nana qui est prête à attendre son mec deux ans sans le voir... ça ne peut qu'être une fille bien et moi je joue au tentateur, c'est dégueulasse ! Je suis un con, je n'ai pas envie de faire ça et pourtant je n'arrive pas à faire autrement, je suis attiré vers elle comme un aimant. J'ai l'impression d'avoir encore le goût de notre baiser sur la langue et j'ai envie de sentir sa douceur à nouveau. Mais j'ai conscience que ce qui me plait chez elle, c'est justement le fait qu'elle ne demande rien à son mec, elle l'attend. Elle lui trouve des excuses même si son comportement est sans doute limite et continue de l'attendre ! Si elle craquait et qu'elle se jetait sur moi, je serais déçu et elle ne me plairait plus, elle serait juste une nana banale à en crever, parmi toutes les autres.

Après un jeu de regards, je laisse tomber, je ne veux pas pousser le vice. Je sors le billet de ma poche et le pose sur la table devant elle.

— Tiens ! Tu as raison, ça te revient de droit.

Elle me regarde suspicieuse.

— Putain Dorian, t'as trop bu ou quoi, ricane Mika. Tu deviendrais presque mielleux.

— Oh ferme là !

Charlotte prend le billet et le met dans son sac sans un mot !

— Mais Dorian sait être gentil quand il faut, appuie Audrey avec son petit sourire habituel en revenant à la table.

— Bon, on se bouge ? Si on veut voir le concert légendaire des Marionnettes Aléatoires de plus près ! précise Karim avec une pointe d'ironie.

— Putain vous savez que Tristan va vous tuer de s'être foutu de la gueule du groupe de sa meuf ! ricane Mika. Vous êtes dead demain en répète. Ça va allumer sec !

— Mais non, on lui fera passer la pilule avec un solo basse sur le morceau que t'as écrit ! j'ajoute.

— Ça ne suffira pas cette fois ! Je crois qu'on va le payer mon pote !

— Un solo de basse... n'importe quoi ! On n'a jamais fait ça !

— Ben justement, on devrait. Comme le petit solo de basse au début du morceau Hammer Smashed Face de Cannibal Corpse ! Ça le fait grave !

— Je voulais pas manquer de respect à la copine de Tristan, prononce Charlotte embarrassée.

— C'est bon, il la sautera ce soir et elle oubliera cet épisode ! je réplique.

— Un Mars et ça repart ! enchaine Karim.

— Là c'est plutôt un coup de queue et ça repart.

— Vous êtes graves les mecs ! souffle Audrey pendant qu'on est en train de rigoler tous seuls en se dirigeant vers la scène.

— Allez, rigole petite dinde ! je fais en lui ébouriffant les cheveux. Tu devrais...

— Dorian ! tonne Mika sérieux. Pas de truc graveleux sur ma sœur.

Je lève les deux mains en l'air, le plus innocent possible. Charlotte à l'air plutôt amusé par nos conneries.

— Vous êtes déchainés ce soir, fait-elle d'ailleurs remarquer.

— Vous avez pris un truc avant de venir non ? demande Audrey.

Karim la regarde d'un air blasé.

— Non rien ! Tu crois qu'on a besoin de se défoncer pour rigoler un peu ?

— Ah non, du tout, mais bon, vous m'avez l'air chaud quand même.

— Pour Dorian, je sais ce que c'est, quant à moi, c'est juste pour en remettre une couche, explique Karim.

Il fallait qu'il lance une bombe avec Audrey à coté qui ne va pas lâcher l'affaire, la connaissant.

— Ah bon, et c'est quoi qui met Dorian en surchauffe ? demande-t-elle sans attendre.

— Le concert des Marionnettes déglinguées ! je réponds.

— Random puppets ! précise Mika. Déglingués ça aurait été carrément plus stylé !

On se faufile dans l'amas de gens déjà devant la scène et j'attrape Charlotte par le bras pour qu'on reste groupé. Elle me sourit et putain, j'ai de nouveau envie de l'embrasser. La lumière de la salle s'éteint progressivement pour mettre en valeur la scène. Solène s'avance devant le micro, avec sa Fender Strastocaster et fait grincer les cordes. J'ai mal pour la guitare et si elle continue, mes oreilles vont pisser le sang, mais elle se reprend direct et elle enchaine par un morceau qui n'est pas mal du tout. Tristan est venu nous rejoindre, il me sourit en me tapotant l'épaule, j'en conclus qu'il ne nous en veut pas trop.

Le concert est plutôt sympa, les quatre nanas qui constituent le groupe se débrouillent bien. Elles sont légèrement trop agressives et surjouent un peu, mais c'est souvent le cas dans le rock féminin. Ça reste toujours assez compliqué de s'imposer en tant que femme et souvent, elles se sentent obligées de prouver qu'elles ont du répondant derrière, alors qu'il n'y a pas besoin. C'est leur manque d'expérience, mais pour un premier concert, elles peuvent être fières d'elles. Charlotte est juste devant moi, elle semble apprécier la musique. Elle me frôle à chaque fois qu'elle bouge et j'ai envie de l'attraper par la taille et la coller contre moi, mais je me retiens.

Le dernier morceau terminé, la salle se rallume. Audrey nous informe en revenant vers notre table avec un petit sourire qu'elle a rencard avec la serveuse à la fermeture. Et qu'elle va rester près du bar avec elle en attendant la fin de son service. Je suis content pour elle, je lui souhaite que ça marche avec cette fille. Je vois Charlotte pianoter sur son smartphone.

— Je vais rentrer, dit-elle, je suis vannée.

— Tu rentres comment ? demande Karim.

— Je viens de commander un Uber, y'a plus de tram à cette heure-ci.

— Je vais te raccompagner ! je propose. Rentrer toute seule le soir, c'est pas très sûr.

Elle sourit et semble soulagée. Elle n'avait clairement pas envie de rentrer toute seule mais n'aurait pas osé demander à l'un de nous de la ramener. On salue tout le monde et sort de la boite pour attendre le Uber sur le bord du trottoir. Je vois Charlotte frissonner à côté de moi.

— Punaise, il se dépêche ou quoi ?

J'enlève ma veste et lui place sur ses épaules. Avec son petit truc tout fin, c'est clair que ça ne va pas la réchauffer. Elle relève le visage vers moi, surprise.

— Merci, murmure-t-elle presque.

— De rien, je réponds en sortant un paquet de chewing-gum de mon jean. Tu en veux un ?

Elle regarde et ses yeux s'arrondissent d'un coup.

— C'est ça cette odeur de cannelle qui...de... enfin, bredouille-t-elle gênée.

Je ne peux pas m'empêcher de rire. Elle est trop drôle quand elle est gênée.

— L'odeur de cannelle quand je t'ai embrassé ? Tu veux dire... Oui, je mâchouille ça en permanence, ça me détend. C'est des Big Red, c'est américain.

— T'es stressé ? me demande-t-elle du tac au tac.

— Le soir, ouais parfois.

Je me garde bien de lui dire que je suis anxieux chaque soir à l'idée de rester seul et que ça me hante tellement que je fais des nuits blanches à composer, soit je sors trouver une fille pour la nuit.

Kiss me... Good byeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant