Chapitre 5 - Dorian

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     Mika fredonne « Kiss me, Good bye », que l'on utilise toujours pour clôturer les concerts. Il le fait en français, même si je l'ai écrite en anglais et que sur scène, c'est toujours dans cette langue qu'on présente nos titres. En écrivant en anglais, on a plus de chance de percer à l'internationale. Cette chanson est très intime, je l'ai écrite dans la douleur, un soir de déprime comme la plupart de mes textes d'ailleurs. Parfois, j'avoue que ça me fait une sensation étrange de voir mes sentiments s'exposer à tous par la bouche de Mika. Mais je serais incapable de les faire vivre comme lui sait le faire. C'est le meilleur pour chanter mes textes, même si la plupart ne comprennent pas le vrai sens des paroles.

Un roadie l'interrompt en entrant dans la loge surexcité.

— Putain les mecs, vous verriez la foule dehors pour entrer. Je suis quasi sûr qu'il va falloir refouler du monde.

— Normalement ils n'ont pas pu vendre plus de billets que de places, dis-je en fouillant dans mon sac à la recherche de fringues pour me changer.

— À mon avis, plein de gens se sont pointés sans billet en espérant pouvoir rentrer ! C'est infernal dehors !

Mika sourit, content. Moi aussi je suis content, même si je le montre toujours moins. J'ai tendance à tout intériorisé, par habitude.

— J'avais dit au label qu'il fallait nous décrocher le Zénith de Stras ! souffle Tristan. On est des gosses d'ici ! Tous les gens qui nous ont vus écumer les petits bars avant notre album ont envie de nous voir.

— Ce n'est que partie remise ! je le rassure en posant ma main sur son épaule. On le fera le Zénith d'ici ! Cette salle est top ! Tous les groupes underground sont passés ici !

— Ouais ceux aussi en fin de carrière ! ricane Karim.

— Putain vous avez déjà à ce point la grosse tête pour trouver que la salle est trop petite !

— On sait tous pourquoi Dorian aime les petites salles, se moque Mika, c'est plus facile de trouver sa petite groupie pour la nuit. On les voit mieux !

Je lui balance mon tee-shirt que je viens de retirer au visage.

— Genre toi tu le fais pas ? je relève.

— Moi ? je suis l'innocence incarnée.

— On en reparlera de ton innocence légendaire !

— Surtout qu'en plus tu chantes les paroles tordues de Dorian, précise Karim en faisant tournoyer une de ses baguettes entre ses doigts, alors même si tu te crois innocent, ta bouche est pervertie mon gars ! Et toutes les nanas croient que les textes te concernent !

— Putain ! s'écrie-le concerné en me pointant du doigt. Je viens seulement de capter que tu me la mets à l'envers depuis le début. C'est moi qui passe pour le mec torturé !

— Fallait pas être chanteur ! je riposte.

— Quelle loose, bande de bâtards !

— Les filles aiment les mecs torturés, tu devrais me remercier.

Il me tire son plus beau doigt d'honneur en réponse.

— Au fait, ma sœur vient ce soir ! m'informe le chanteur.

— Audrey ? Putain ça fait un moment que je ne l'ai pas vu !

— Je te rassure, elle n'a pas changé. Je lui ai dit de passer nous voir avant le début du concert.

     Sa tornade de sœur est un phénomène à elle toute seule. Mais je l'aime bien. C'est une des rares filles avec qui je suis totalement à l'aise. Aucune chance qu'elle veuille obtenir quelque chose de moi que je ne veux pas donner. Je termine de me dessaper pour me changer. J'enfile un jean baggy et j'ai à peine le temps de remonter la braguette qu'une nana déboule dans la loge en manquant de justesse de tomber à mes pieds. Je la regarde, elle me regarde, enfin pas dans les yeux. Elle reste fixée sur mon torse nu et tatoué. Elle finit par se racler la gorge en s'excusant et détourne le visage dont les joues viennent de rosir.

Kiss me... Good byeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant