Chapitre 28 - Charlotte

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Mon téléphone sonne, il est vingt heures. Le visage de Fabien s'affiche à l'écran. Il habillé de manière un peu plus décontracté qu'à l'accoutumé. Exit la veste de costume et la chemise blanche bien repassée, il porte un polo Lacoste bleu marine qui même à travers la vidéo fait ressortir ses yeux bleus.

— Salut ma puce ! prononce Fabien avec un grand sourire.

— Salut mon chéri, ça va ? Tu as l'air joyeux, je me trompe ?

— C'est vrai. On a rattrapé tout notre retard sur le projet et notre boss nous a octroyé un petit bonus pour notre investissement, m'annonce-t-il en s'étirant. Tout le cabinet va faire un petit week-end à Cheasepeake en Virginie, histoire de se détendre un peu. On part en fin de journée.

— Ah génial, ça va te faire du bien de décompresser un peu, je souris. Tu m'enverras des photos ?

— Bien sûr ma puce. On devrait avoir un très beau temps, donc ça va être sympa.

— Oui, il faut que tu profites aussi un peu des États-Unis, c'est dommage de ne faire que travailler tout le temps.

— Oui mais je suis là pour ça ! J'aurai le temps de me reposer en rentrant et on retournera aux États-Unis tous les deux en voyage. Peut-être pour notre voyage de noces, ça pourrait être une idée ! Au fait tu as regardé les faire-part ?

Merde... j'avais totalement oublié la maquette des faire-part du mariage qu'il m'avait envoyé par mail.

— Oui, c'est très joli, je mens.

— Je savais que tu aimerais, tu aimes les designs assez épurés. Pour ta robe, je voudrais que tu attendes que je rentre, on la choisira ensemble.

Je le vois m'observer avec attention. Je souris.

— Je croyais que le futur marié ne devait pas voir la robe avant le jour J, je m'amuse.

— On s'en fiche des conventions.

— Ta mère va faire un infarctus !

— On ne lui dira rien. J'ai envie de la choisir avec toi. Tu me manque ma puce.

— Toi aussi tu me manques.

— J'ai envie de toi. J'ai beaucoup de mal à m'endormir en ce moment, je n'arrête pas de t'imaginer toute nue contre moi.

Sa phrase me jette un froid glacial. Je l'écoute, mais je ne sais pas quoi faire de cette information. Avant j'aurais apprécié, j'aurais sans doute cherché à avoir quelques détails mais là, je ne sais pas pourquoi, je me sens mal à l'aise.

— Tu te caresses de temps en pensant à moi ma puce ?

— Je... euh...

— Je n'arrête pas de penser à la manière dont tu aimais te blottir contre moi la nuit. Comme ça me manque de te sentir. Tu te souviens quand on se caressait en visio au début que j'étais parti ?

— Oui je m'en souviens, je réponds gênée.

Je le vois tout sourire, détendu et moi je suis crispée au possible, mes jambes resserrées l'une contre l'autre comme un étau. Il ne semble pas le remarquer, tant mieux. Pourquoi ça ne me fait pas le moindre effet de me remémorer nos moments intimes ? Je devrais être excitée. Ma poitrine se serre tout à coup, j'ai peur. Je ne me sens pas bien.

— Ma puce, j'ai envie que tu te caresses pour moi. Je suis excité rien qu'à t'imaginer. Pense à ce que je te ferais si j'étais avec toi. Mes mains remonteraient sur...

Prise de court, je raccroche. Mon cœur s'emballe. « Putain, putain, putain ». Je me prends la tête dans les mains en posant mes coudes sur mes genoux. Je suis au bord des larmes. Je suis incapable de faire ce qu'il me demande. Mais comment le lui dire ? Les mois qui ont suivi son départ, on l'a fait plusieurs fois. Mais là, j'en suis incapable. Si je ferme les yeux, si j'imagine des mains sur moi, ce n'est pas celles de Fabien que je sens, mais celle de Dorian. Je suis en train de perdre pied. Je hurle d'un coup, toute seule dans mon salon. De rage... de désespoir... de je ne sais quoi. J'ai besoin d'extérioriser d'une manière ou d'une autre. Mon téléphone se remet à sonner.

— Ma puce, ça va ?

— Oui, désolé, dis-je en m'éclaircissant la voix. Ça a coupé d'un coup, il doit y avoir un problème avec la 4G. Je n'arrive pas à remettre la visio ! je mens.

— Pas grave, on se trouvera un moment pour continuer. Je t'appellerai peut-être en pleine nuit pour que tu te caresses pour moi.

— C'est une bonne idée, je me force à dire.

— Je t'embrasse ma puce. Je te rappelle lundi après le week-end à Cheasepeake.

— D'accord. Amuse-toi bien là-bas. Je t'embrasse.

— Je t'embrasse aussi ma puce, je t'aime.

— Je t'aime.

Je pose le téléphone sur la table basse et je l'observe comme si c'était l'invention du diable. Et d'un coup, je me mets à pleurer. J'éclate en sanglots, incapable de me retenir. Je ne sais pas ce qui m'arrive, je n'en peux plus, je craque. J'ai oublié, oublié son odeur, oublié la douceur de sa peau. Je n'arrive plus à l'imaginer me toucher, je me demande même si ce qu'on a vécu a existé un jour ou si j'en ai même eu réellement envie. Comment la distance peut-être faire autant de ravage ? Je suis sûr de mes sentiments pour lui, je sais que je l'aime, mais je peine à avoir envie de lui. Il manque cette alchimie que seul un contact physique peut combler.

Je finis par me calmer au bout d'un moment et je file sous la douche me détendre. Au bout de quinze minutes, je me laisse tomber sur mon lit en peignoir, plus sereine, comme si l'eau m'avait lavée de mes doutes. Sur la couette, je vois mon portable clignoter. Je regarde, me demandant ce que c'est et je vois que l'expéditeur est Dorian. Cela fait presque une semaine que je n'ai pas de ses nouvelles, depuis leur virée en Allemagne.

Je découvre toute une série de photos étranges. Floues pour la plupart, mal cadrées. Je distingue des silhouettes mais sans savoir qui c'est réellement. Ils sont apparemment dans une discothèque ou un club, il y fait assez sombre. Des filles nues dansent sur des barres de pôle dance et viennent se frotter contre eux. Ils sont dans un bordel ou quoi ? Il pose avec Karim, puis avec Mika, torse nu... Ils ont l'air bourrés. Il y a même une vidéo.

— Vas-y, redonne-moi mon téléphone, putain, râle Dorian le bras autour de la taille d'une fille totalement dénudée. Tu fais chier Tristan.

— Souris, je filme là !

— Hein ?

Dorian s'énerve, il veut récupérer son téléphone mais il ne marche clairement pas droit. Karim arrive derrière lui avec une bouteille de vin ou de champagne qu'il boit directement au goulot avant de vider le reste sur le guitariste, la fille et le chanteur. Mika rigole de manière totalement bizarre. L'auteur de la vidéo, Tristan, tourne la caméra vers lui.

— Yo ! Bienvenue à...

Il marque un temps d'arrêt, en faisant une moue.

— Putain, on est où déjà ?

— Sur Terre, balance Dorian !

— Ahah, trop drôle ! ricane Tristan. Sérieux, j'ai oublié où on est.

— Berliiiiiiiiiiiiiiiiiiin, hurle Solène en s'approchant du téléphone.

Je ne savais pas qu'elle était partie à Berlin avec eux. Bon, c'est la copine de Tristan en même temps, c'est normal.

— Oui oui, c'est ça Berloiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinnnnnn. Bien...ve...nue à Ber... loin, le temple de l'orgie !

J'aperçois alors en arrière-plan Dorian rouler une pelle à la blonde contre lui. Ok ok... je crois que je n'ai pas envie de voir le reste de la vidéo. Je coupe. Rien que d'imaginer ce qu'ils sont en train de faire là-bas... Ils font ce qu'ils veulent après tout, mais je ressens une sorte de pincement à la poitrine de savoir Dorian toucher ces filles. Je suis tentée de remettre la vidéo et voir ce qui s'y passe, mais je la supprime finalement. Pas la peine de voir ça ! Mes yeux se perdent dans le vide quelques instant. Il est célibataire, il s'amuse, il ne me doit rien, nous sommes que des amis... Oui que des amis, alors pourquoi ça me fait mal de le voir embrasser une autre ? Nous ne sommes rien l'un pour l'autre et dans quelques mois ce sera terminé.

Je me rends compte que je m'attache peut-être un peu trop à Dorian. Lorsque Fabien sera rentré, qu'il va partir à Londres, je vais me sentir vide... Les larmes montent, décidément, c'est la soirée. Je suis tentée d'appeler Audrey, mais je sais qu'elle avait un rencard avec Maëlle alors je ne vais pas la déranger pour rien. Je me glisse sous la couette et ferme les yeux, mais le sommeil met du temps à venir.

Kiss me... Good byeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant