Chapitre 15 - Dorian

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Après être resté tout le week-end chez Mika, je suis quand même rentré dans mon appart. Mais je suis sorti lundi et mardi soir dans des bars pour me trouver une nana avec qui finir à l'hôtel. J'ai beau faire ce que je veux, dès que je suis seul j'angoisse. Je préfère alors passer la nuit avec des gonzesses que je ne connais pas, pour éviter de me laisser envahir par des pensées à la con.

Depuis que je me suis levé ce matin, j'ai une idée de mélodie dans la tête alors je suis avec ma gratte sur le canapé en train de composer. Le casque sur les oreilles pour ne pas rendre dingue les voisins, je griffonne des notes sur mon cahier, et je fredonne des paroles. En ce moment, je n'ai pas trop l'inspi. Être revenu à Strasbourg me plombe le moral, pourtant sans savoir pourquoi je n'arrive pas à partir définitivement d'ici ! Rien à faire. J'ai l'impression d'avoir une chaine aux pieds qui me ramène sans cesse à tous mes souvenirs d'enfance. Sans doute aussi parce que je n'ai pas vécu que des trucs moches dans cette putain de ville. J'ai découvert la musique ici, mon groupe s'est formé ici et puis ma famille de cœur est là. Mais quand je me promène dans les rues, chaque endroit me rappelle un truc dégueulasse. Entre le squat de la porte Blanche où j'allais trainer adolescent pour éviter de rentrer chez moi et le centre-ville où je dormais dehors parfois sous le pont du quai des Bateliers avec des punks du coin. Le quartier de la Petite France, près du passage Vauban qui m'a souvent vu aussi... Je ne me balade plus à pieds, ça me fait mal à chaque fois. Et toute cette merde, c'est à cause d'elle, de ma salope de génitrice. Tout ça me donne la gerbe.

L'air que j'avais en tête devient plus sombre soudain, plus ténébreux. J'enchaine les riffs lourds et torturés. Les paroles que je couche sur le papier son aussi noires que le trou d'une tombe. Ça me fait du bien. C'est ma seule manière d'extérioriser tout ce qui reste coincé dans mon ventre et dans mon cœur. Je joue jusqu'à m'en bousiller les doigts. Je finis par enregistrer tout ça avant de perdre mon état créatif. Quand je pose ma guitare, il est quatre heures du matin. Je n'ai même pas mangé de la journée. Sans même me dessaper, je m'allonge sur le canapé et m'endors.

Je me lève le matin avec un mal de dos carabiné. Mon clic clac a fait son temps, putain, faut que je m'achète des meubles aussi. Je file sous la douche et je lave mes dreadlocks. C'est partie pour deux heures d'entretien. C'est beau ces merdes, mais ça prend un temps fou si on ne veut pas que ça ressemble à un sac de nœud sorti de la décharge.

L'après-midi, je pars répéter avec le groupe au studio que notre label nous a mis à disposition. On travaille de nouveaux morceaux que j'avais déjà écrits pendant la tournée. Mika a écrit aussi une chanson et on cherche des arrangements à mettre dessus. Audrey passe nous voir à la sortie de son taff et je me surprends à être déçu de ne pas voir Charlotte avec elle. Heureusement Mika pose la question pour moi.

— Charlotte n'est pas avec toi ?

— Non, elle est en vacances, y'a que moi qui bosse cette semaine et c'est dur sans mon binôme avec moi. Alors ça avance vos répètes ?

— Ouais, ça va ! On travaille de nouvelles chansons.

— Cool. J'ai le droit à une avant-première ?

Sa phrase me fait directement penser au gain mis en jeu avec Charlotte lors de notre partie de capsules de bière si j'avais perdu. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai envie de lui faire écouter ce que j'ai composé hier. On va dire que c'est un moment d'égarement. On joue encore quelques morceaux sous l'oreille attentive de la sœur de Mika.

— Au fait, Audrey, tu pourrais me filer le numéro de téléphone de ta copine ? je demande.

Elle se tourne vers moi les yeux ronds de surprise au début, puis elle prend un petit air espiègle.

— Et qu'est-ce que tu veux faire avec ?

— Me le foutre dans le cul ! je réponds du tac au tac. À ton avis ? je demande en relevant un sourcil.

— Oh ! Soit plus aimable où je te le donne pas !

Elle se lève de son tabouret et s'approche de moi.

— Et qu'est-ce que j'ai en échange, si te donne ce que tu veux ?

— Ma reconnaissance éternelle, c'est pas beau ça ? je ricane.

— Radin.

— Profiteuse ! Tu voulais quoi sérieux ?

— Je veux la priorité des potins ! Tu vois le genre de potins qui concerne des lèvres qui se frôlent, un lit qui grince... Charlotte ne me dira rien, je la connais !

— Tu ne touches pas à Charlotte, toi ! intervient Mika en me toisant, suspicieux.

— Mika ne t'en mêles pas, s'te plait ! souffle sa sœur.

— Non mais putain, vous trafiquez quoi, reprend-il en s'approchant de nous la mine sévère.

— Je ne veux pas son numéro pour la baiser, je sais qu'elle est maquée ! m'agacé-je. Vous me prenez pour qui putain ? Je lui ai juste promis un truc et je veux le lui donner, c'est tout !

— Ok, ok. Note, je te le donne, mais fait attention, je te garde à l'œil !

Après la répète, avant de rentrer chez moi, je commence à saisir un texto à Charlotte.

« Salut ! C'est Dorian. Je peux passer chez toi dans trente minutes environ ?»

Finalement avant d'appuyer sur le bouton « envoi », je me rétracte. Je suis peut-être un peu trop direct ! Elle va flipper, surtout que la dernière fois que l'on s'est vu, j'avais ma langue dans sa bouche. Elle va juste me dire non ! Elle a un mec et ce serait franchement salop de ma part de profiter de l'éloignement de celui-ci pour la draguer. C'est un coup bas et ce n'est pas mon genre. En plus j'ai Mika qui va m'avoir à l'œil sur le sujet.

« Salut, c'est Dorian. On va boire un verre demain soir avec le groupe au Molodoï, y'a un concert d'un petit groupe de rock alternatif sympa, ça te dit de venir avec nous ? ».

J'envoie. Putain Dorian, tu t'es déjà montré plus imaginatif que ça !

Elle ne me répond pas de suite. Soit, elle n'a pas vu, soit elle cherche une excuse pour dire non de manière sympathique. Au bout que plusieurs minutes, je reçois finalement une réponse que je lis avec un peu trop d'impatience à mon goût.

De Charlotte

« Salut, comment tu as eu mon numéro ? Sinon, oui, je veux bien, à qu'elle heure ? »

De Dorian

« Secret ! Pour le numéro. 21h, ça te va ? »

De Charlotte

« OK pour 21h, je vous retrouve là-bas. Audrey vient aussi ? »

De Dorian

« Oui Mika lui en parle ! ».

De Charlotte

« Super, à demain :) »

Je me dépêche de contacter Mika pour qu'il invite sasœur aussi avant que Charlotte ne lui en parle. J'ai franchement l'impressiond'être un ado.

Kiss me... Good byeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant