Chapitre 16 - Charlotte

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Je me prépare pour retrouver les membres du groupe Dark Side au Molodoï. Je laisse mes cheveux détachés, je préfère. Ce soir j'opte pour un maquillage un peu plus élaboré, avec un trait d'eyeliner et je troque mes lunettes par des lentilles. J'avoue que ça m'a surprise que Dorian m'invite et je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de lui plaire, même si je sais que c'est un jeu dangereux. J'enfile un jean slim avec un tee-shirt à manches longues mais décolleté dans le dos. Ce n'est pas le jour d'appel de Fabien, donc pas besoin de trouver une excuse. Punaise, ces dernières semaines je suis sortie plus qu'en une année entière. Mais je me rends compte que ça m'avait manqué tout ça. M'amuser, aller à des concerts, boire un verre avec des amis, discuter, rire... J'ai l'impression que ça ne m'est pas arrivé depuis très longtemps. Même quand Fabien était à Strasbourg, les sorties que l'on faisait n'étaient pas très festives ! Un diner dans un restaurant guindé avec ses parents, ou son meilleur ami et sa femme, architecte lui aussi, des visites de musée, des soirées à son ancienne université... ou avec le patron de son cabinet. Au final, moi je servais toujours de potiche et je ne m'amusais pas vraiment. D'un coup, je me rends compte que c'est triste de ne pas partager les mêmes centres d'intérêt que la personne qu'on aime. Bien sûr à part les sorties, on partage beaucoup de choses. Enfin, je crois... C'est fou comme la distance physique creuse un fossé si grand que j'ai même du mal à me souvenir pourquoi je l'aime. C'est juste passager, je sais que lorsque nous nous retrouverons, tout redeviendra comme avant et j'ai hâte.

Ce soir Audrey ne préfère pas prendre sa moto pour aller au Molodoï, alors nous avons décidé de prendre le tram chacune de notre côté. Quand j'arrive devant la boite, j'envoie un texto à mon amie pour savoir si elle est déjà à l'intérieur ou non. Je déteste entrer seule dans ce genre d'endroit. Mon téléphone sonne.

— C'est Audrey, je suis déjà à l'intérieur. J'arrive !

— Ok, merci.

J'attends sur le trottoir quand je sens une main se poser dans mon dos. Je sursaute le cœur légèrement affolé.

— Salut, ce n'est que moi, me fait Dorian avec un petit sourire.

— Salut !

Je le détaille quelques secondes. Ses dreadlocks retombent sur un tee-shirt noir affublé d'un numéro 5. Il porte en dessous, un autre tee-shirt à manche longues cette fois, blanc, qui tranche avec le premier. Mais ce que je regarde surtout ce sont ses lèvres et automatiquement les images du baiser chez Mika remontent à la surface me donnant un coup de chaud dont je me serais bien passé maintenant.

— Ça va ?

— Oui, oui ça va et toi ?

— Tu viens ? dit-il doucement en se tournant vers la porte.

Je le suis jusqu'à la table où sont installés les autres. Audrey se lève et viens m'embrasser, et je fais ensuite le tour pour faire la bise à tout le monde. Tristan, le bassiste a une jeune femme sur les genoux et je me demande pourquoi Dorian est seul. J'avais cru comprendre que c'était lui le tombeur du groupe.

— Moi c'est Solène, me fait la fille en question.

— Enchantée, Charlotte.

Un silence s'installe, je sens qu'il y a une légère tension mais je n'ose pas demander ce qui se passe. La serveuse arrive pour me demander ce que je veux boire et je capte un échange de regards appuyés entre elle et Audrey. Karim rompt finalement le moment malaisant de la tablée le premier.

— Tu connais le groupe de ce soir Charlotte ?

Il lance une œillade en biais au guitariste avec un petit sourire pas net aux coins des lèvres.

— Non, dis-moi ?

— Random Puppets, c'est du rock alternatif.

Je marque un temps d'arrêt.

— Le nom est pourri, non ? je laisse échapper sans réfléchir en m'installant.

Audrey se retient de rire en mettant sa main devant la bouche, Tristan reste de marbre, quant à Dorian, Karim et Mika, ils ne masquent pas du tout leur hilarité.

— Qu'est-ce que t'y connais-toi en nom de groupe ? s'énerve Solène.

— Rien, je trouve juste ça pas très vendeur, mais chacun fait ce qu'il veut.

— Ben garde ta merde dans la bouche, ok !

— On se calme, là ! intervint Mika en haussant le ton.

— C'est elle qui commence en insultant mon groupe, qu'elle aille se faire mettre, cette conne !

— Vous n'allez pas vous insulter non plus ! On est civilisé un minimum quoi.

Karim ricane en échangeant des clins d'œil pas discrets avec Dorian, et je comprends qu'il l'a fait exprès. Je me demande le but de la manœuvre mais je décide de ne pas rentrer dans leur jeu. Elle veut m'insulter, qu'elle le fasse, ça me passe au-dessus. J'ai dit ce que je pensais et je ne compte pas revenir en arrière, même si j'aurais dû la fermer, clairement. Mais je ne pouvais pas savoir non plus ! Je ne sais même pas ce qui m'a pris de dire ça de manière aussi abrupte, le cri du cœur.

Solène se lève en me toisant d'un regard mauvais.

— En quoi c'est un nom pourri ? Vas-y, explique, pétasse !

Je la snobe en sortant mon portable pour me donner une contenance.

— Oh, tu réponds !

Je relève les yeux en haussant les sourcils.

— Ah, c'est à moi que tu parles ? Tu as dit Pétasse, moi c'est Charlotte ! Je pensais que tu parlais à quelqu'un d'autre.

Je sens la fille s'énerver, mais si elle veut du répondant faudra qu'elle aille voir ailleurs. Je ne suis pas du genre à faire un combat de boue au milieu des mecs ! Elle s'avance vers moi, mais Tristan la retient par le bras.

— Calme-toi ! Tu devrais aller te préparer non ? Je viens avec toi.

— Je vais t'en mettre plein la vue avec mon groupe pourri ! me balance-t-elle avant de se diriger vers les coulisses.

— Vous êtes con les mecs putain ! râle Tristan en la suivant.

Une fois les deux partis, je vois Karim filer un billet de cinquante euros à Dorian. Ce dernier ricane en le fourrant dans sa poche.

— Putain, je l'avais dit ! Merci Charlotte de confirmer que ce nom de groupe est carrément merdique, lâche Dorian.

— Vous vous êtes servis de moi ou je rêve ? m'offusqué-je.

— Non, enfin, si. Mais on pensait tous que le nom de groupe était à chier mais personne n'a osé lui dire sauf Dorian ! Alors on a parié sur ce que tu en penserais.

— Sympa, je me suis tapé la honte ! Si j'avais su qu'elle faisait partie du groupe, je n'aurais rien dit !

— Ben c'était bien le but recherché ! On voulait ton avis objectif, On l'a eu ! se marre encore Dorian.

— Le billet de cinquante devrait être pour moi ! Je me suis fait insulter en plus !

— Clairement, me soutient Audrey qui se lève.

Je lui attrape la main et lui chuchote :

— Tu vas où ?

— Je vais aller chercher ta conso directement au bar, dit-elle avec un petit air sensuel pendu à ses lèvres.

Il se passe donc un petit truc avec la jolie serveuse. J'espère que ça va marcher pour elle.

— Si tu veux le billet Charlotte, il va falloir venir le chercher ! lâche Dorian en me regardant avec un petit sourire.

Je lâche Audrey des yeux pour me reconcentrer sur le guitariste ténébreux.

Kiss me... Good byeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant