Centre du Test

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À mesure que nous approchons, les immeubles me
paraissent de plus en plus grands. Ce doit être en même temps excitant et effrayant de regarder le monde du sommet de ces tours. D'ailleurs, même les moins hautes sont impressionnantes, avec leur silhouette cylindrique de métal et de verre. Il est impossible de distinguer celles qui datent d'avant la guerre de celles qui ont été édifiées plus tard.

L'aérojet entame sa descente et nous apercevons les gens dans les rues. Des centaines, des milliers.Qui marchent, courent, rient. Des véhicules volants de toutes les tailles partagent l'espace avec des bicyclettes et des vieilles voitures. La plupart des rues sont larges et parfaitement propres. C'est
exactement comme ça que j'imaginais notre capitale, notre espoir pour le futur. C'est ainsi qu'un jour seront toutes les colonies.

Mais à mesure que nous avançons, je découvre aussi des zones moins reluisantes. Ici, les gens semblent fatigués et mal nourris. Certains donnent l'impression de ne pas s'être lavés depuis des semaines. Je me demande pourquoi. La plus grande partie de notre populationse concentre ici, à Tosu. Plus de cent mille personnes vivent dans la capitale et avant aujourd'hui, je n'avais pas pris la mesure de ce chiffre.

Clarke glisse sa main dans la mienne. Dans son visage pâle,ses yeux sont écarquillés. Je ne suis pas la seule à me sentir toute petite et perdue.Michael nous annonce qu'il nous emmène directement au centre de Test. Pas de promenade touristique pour nous. Pourtant, il prend soin de passer devant le Capitole et le département de la Justice, les deux endroits que Monty souhaitait voir.

L'aérojet passe sous une grande arche surmontée d'une enseigne en fer forgé :
Université de la Communauté Unifiée.

Voilà, nous y sommes. Les bâtiments de brique rouge sont vieux. Il y a une tour avec une horloge,d'autres édifices sont en verre, certains en pierre. Tout respire l'ancienneté et la sagesse. Une immense sculpture représente deux mains jointes – en prière ? En attente ?Niylah le saurait sans doute mais je n'ai pas envie de parler, je veux juste regarder.Nous passons devant un stade avant de ralentir. L'aérojet se pose au pied d'une bâtisse tout en verre et fer noirs. Les fleurs, les buissons et les arbres plantés autour ne parviennent pas à atténuer sa sévérité. Une plaque de bronze annonce :
Centre de Test.

Je descends de l'aérojet, un poids au creux de l'estomac. Une main se pose sur mon épaule. Clarke. Son contact m'aide à repousser la panique qui menace de me submerger.

– Tiens !Michael me tend mon sac.

– Ne le perds pas de vue, me conseille-t-il à voix basse.

Nos regards se croisent. Le sien est grave. Je dois faire attention.Puis, comme s'il ne m'avait rien dit, Michael lance d'une voix forte :

– Dès que votre arrivée sera enregistrée, vos chambres vous seront assignées. La plupart des candidats sont déjà arrivés. Les autres seront là dans la soirée.Il ajoute avec un grand sourire :

– Vous êtes prêts ?

Nous acquiesçons. Si nous ne l'étions pas, ça ne changerait rien. Michael compose le code sur le clavier de la porte d'entrée et nous le suivons à l'intérieur. Clarke est la dernière à franchir le seuil. La porte se referme derrière elle dans un claquement de verrous. Nous débouchons dans un couloir maléclairé, à la peinture écaillée, au sol d'un gris terne. Deux chaises disposées dans un coin laissent imaginer que l'on peut s'asseoir pour discuter mais je doute que qui que ce soit le fasse. Nous arrivons devant une rangée d'ascenseurs. Je n'en ai jamais utilisé mais j'ai étudié leur fonctionnement en cours. Une des portes métalliques s'ouvre et nous nous engouffrons à l'intérieur. En quelques instants,nous arrivons au cinquième étage. Nous sortons et découvrons cette fois un vaste couloir avec des ampoules électriques, des murs peints en bleu et un sol carrelé de blanc. En face, derrière une paroi de verre, des jeunes gens de notre âge sont assis à des tables. Des dizaines et des dizaines dautres candidats.

Derrière un imposant bureau, une très grosse femme s'éclaircit la gorge. Elle a de longs cheveux blancs et bouclés et des lunettes rondes. Elle nous sourit et se lève pour nous accueillir. D'une voix chaleureuse, elle nous félicite d'avoir été choisis.

– Vous arrivez juste pour l'heure du repas. Vous pouvez passer vous rafraîchir dans vos chambres ou aller directement au réfectoire.Elle désigne la grande salle derrière la paroi de verre. Je me décide rapidement.

– Je préfère aller manger tout de suite.

Si je vais dans ma chambre, je n'aurai peut-être pas le courage de redescendre.Niylah semble vouloir protester mais Clarke est d'accord avec moi, ce qui clôt le débat. Michael m'adresse un hochement de tête discret.

Quand nous entrons, le silence se fait. Nous sommes observés, jaugés et puis les discussions et les bruits de couverts reprennent. Trois serveurs se tiennent derrière un buffet couvert de nourriture.Plusieurs sortes de pain, des pommes, des oranges, du raisin ; un ragoût de bœuf et de légumes, des carottes et des oignons en saumure, d'épaisses tranches d'un poisson inconnu. Michael me souffle qu'ils'agit de saumon. Sur une autre table sont disposés les desserts.

– Prends une assiette et sers-toi de tout ce qui te fait envie, me recommande Michal en suivant son propre conseil.

Je choisis un petit morceau de saumon, des carottes, une pomme et un pain aux raisins et aux noix.Juste ce que je peux manger. Tous les candidats n'ont pas suivi cette règle. Nombreux sont ceux avec plusieurs assiettes devant eux. Ils goûtent un peu de tout et laissent ce qui ne leur plaît pas. Mon père m'a appris à respecter la nourriture et à la partager avec nos voisins. Ce gâchis me couperait presque l'appétit.

Les tables les plus proches du buffet sont complètes. Nous traversons la salle sous les regards curieux. Après avoir posé mon assiette, je me retourne juste au moment où un garçon aux cheveux en bataille et au regard sournois tend la jambe pour faire un croche-pied à Monty qui trébuche. Son assiette s'écrase au sol dans un bruit fracassant. Si Clarke ne l'avait pas rattrapé, Monty se serait étalé le nez dans le ragoût.

Gêné, il marmonne des excuses et commence à nettoyer mais Michael l'en empêche.

– Ce n'était pas ta faute.

Il jette un coup d'œil vers le garçon mal coiffé, occupé à se goinfrer d'une énorme part de gâteau.

– Prends mon assiette, lance-t-il à l'intention de Monty. Je vais chercher quelqu'un pour nettoyer.

Les yeux baissés, Monty obéit. Sa honte est presque palpable. Je m'aperçois que j'ai les poings serrés. La rage court dans mes veines. Dans ma famille, nous avons appris à discuter pour résoudre nos différends, mais j'ai quatre grands frères et je sais me battre.

L'Élite tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant