L'Élite tome 1

Retrouvailles

-Lexa, c'est moi. Tout va bien.

Il faut quelques secondes à mon cerveau pour reconnaître la voix. On me tire et je me débats jusqu'à ce que je me retrouve sur la terre ferme. En sécurité. Je parviens à peine à respirer. J'articule néanmoins un "merci" haletant. Clarke me regarde avec inquiétude mais elle lance d'un ton qui se veut léger :

-Quand on reviendra à Mount Weather, il va vraiment falloir que tu t'entraînes au saut en longueur.

Elle arrive à me faire sourire. Pendant un instant, une seconde, j'oublie où je suis et pourquoi je suis là. Et puis, je me lève et je me tourne vers le pont, à la recherche de l'arbalétrier.

-On ne doit pas rester ici. Un autre candidat a essayé de me tuer.

Clarke fronce les sourcils et suit mon regard. Je ne suis pas sûre qu'elle me croie. À vrai dire, sans les cauchemars de mon père, la trahison de Roman et les mises en garde de Michael, j'aurais du  mal à y croire moi-même.

-Il doit essayer de trouver un endroit moins dangereux pour franchir la rivière, estime Clarke. Je n'arrive pas à croire que tu aies réussi à traverser cette ruine. Quand je t'ai vue sauter, je me suis dit que tu étais folle.

Elle me tend la main et c'est seulement à ce moment que je me rends compte que la mienne est en sang. Clarke examine la coupure.

-On devrait nettoyer ça, déclare-t-elle. On ne peut pas prendre le risque que ta plaie s'infecte. Mais allons d'abord nous mettre à l'abri du soleil.

Nous parcourons un kilomètre avant que j'accepte de faire une pause près d'un tas de béton et de poutres métalliques derrière lesquelles nous pouvons nous dissimuler. Je me rends compte que je suis affamée.

Clarke s'assoit près de moi.

-Je peux déchirer mon drap et en faire des bandages si tu as besoin, me propose-t-elle.

-Ce n'est pas la peine, j'ai une trousse de secours.

Je suis contente de ne pas m'être trompée. Comme moi, Clarke a pris les draps du lit dans lequel nous nous sommes réveillés. Pour ne pas mettre du sang partout sur mon sac, je lui demande de de m'aider à tout sortir. Je nettoie soigneusement mes plaies avec une compresse humide. Il n'y a rien de grave. Seulement des égratignures superficielles. J'applique un désinfectant et je protège la blessure pour l'empêcher de se salir avant de prendre une pomme. J'en offre une à Clarke. C'est le moins que je puisse faire ; elle vient quand même de me sauver la vie. 

Elle sourit. 

-Bien vu la trousse de secours, me félicite-t-elle. J'ai failli en prendre une mais je me doutais que tu le ferais.

Elle a pris un risque. Elle ne pouvait pas être sûre que nous réussirons à nous trouver. Mais de savoir qu'elle nous considère depuis le début comme une équipe me rend incroyablement heureuse.

En mangeant nos pommes et deux roulés à la cannelle offerts par Clarke, nous comparons nos équipements. Elle avait également tablé que je prendrais l'eau et le kit de purification mais elle ne s'attendait pas à mon dernier choix. Elle était certaine que je prendrais une boussole. C'est certainement ce dont tous les candidats auront besoin durant leur périple. Elle est encore plus étonnée quand je lui raconte que j'ai déjà eu l'occasion d'utiliser mon revolver.

-C'était toi?

La honte que j'ai ressentie plus tôt refait surface. Je baisse les yeux mais elle me redresse le menton pour m'obliger à la regarder. Et sur son visage, je lis de l'attention, de la compréhension et de la fierté.

-Tu as bien fait, m'assure-t-elle. Il faut du courage pour se défendre. Je suis contente que tu l'aies fait. Je ne sais ce que je serais devenu s'il t'étais arrivé quelque chose.

Sans transition, elle ajoute:

-Je te montre ce que j'ai ?

Elle expose fièrement une petite boîte d'outils dans laquelle se trouvent des allumettes, un vieux recueil de cartes détaillées des cinquante États des anciens États-Unis datant du XXI siècle et un énorme couteau qu'elle porte dans un étui à sa ceinture. Je ne me rappelle pas l'avoir vu dans la réserve mais il devait forcément y être. Il est si gros qu'on peut facilement prendre la manche à deux mains. La lame, qui mesure bien soixante-dix centimètres, est crantée à la base mais parfaitement lisse et aiguisée sur plus de la moitié de sa longueur.

-Je me suis dit que ça pourrait être utile pour s'ouvrir un chemin dans la végétation, m'explique-t-elle.

C'est un excellent choix.

Avant de remballer mes affaires, je montre à Clarke le transcommunicateur de mon frère et le couteau que j'ai apporté de chez moi. Je pense qu'à nous deux, nous avons un gros avantage sur les autres candidats et lorsque nous reprenons la route, mon pas est plus léger. D'après Clarke, nous devons continuer un moment vers l'ouest puis bifurquer vers le sud. Je suis surprise. 

-Tu ne voulais pas qu'on suive la clôture ?

-Pourquoi?

-Pour retrouver les autres. Tu as bien donné rendez-vous à Niylah et Bellamy ?

-Non, seulement à toi.

-Mais...

Je referme la bouche. Bien sûr. Ne faire confiance à personne. Je connais Clarke depuis l'enfance mais les autres... je ne peux néanmoins m'empêcher de lui demander :

-Et si on les croise ?

Les laisserons-nous se débrouiller seuls? Abandonnerons-nous ceux que nous avons considérés comme des amis ces dernières semaines ?

Clarke réfléchit un long moment avant de répondre :

-Je ne sais pas encore.