Chapitre 13

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Depuis le capot de notre voiture, j'observe Camille faire semblant de dormir depuis une bonne heure. Tryg n'est pas loin, mais étonnamment, il a décidé de la laisser se reposer. Si on peut considérer la rumination comme une forme de repos. Elle ne dort pas, malgré la nuit opaque privée d'étoiles et de lune que nous offre le ciel et l'heure tardive. Elle se retourne sans cesse, se gratte la nuque et observe ses doigts avec effroi, comme si ses yeux pouvaient y déceler la trace du pacte démoniaque. Je sais qu'elle va me demander de le retirer, à vrai dire je l'aurais bien fait dès que Tryg nous avait expliqué ce dont il était réellement question, mais elle m'avait arrêté avant que je n'en ai le temps.

Une part d'elle cherche toujours à voir en cette chose son appartenance à sa guilde. Elle s'y accroche, mais la nature du serment qu'elle a prêté est trop abjecte pour qu'elle le supporte. Même si pour ça elle doit renier son ordre de chasseurs adorateurs de démon – car c'est ce qu'ils sont d'une certaine manière. Pas de valeureux humains combattant d'infâmes monstres pour protéger la veuve et l'orphelin. Non, juste des types dangereux asservis à des êtres qui le sont encore plus.

− Que vas-tu faire lorsque les siens refuseront de la croire ?

Je tourne la tête et découvre Ash drapé de ce manteau d'obscurité qui lui va si bien. Là dans la nuit, il paraît dans son élément, plus vivant encore que le jour. Plus beau aussi.

− Tu n'étais pas supposé monter la garde ? demandé-je en retour.

− Declan s'en charge, il ne supportait plus mon silence.

− Dans ce cas tu aurais pu lui parler.

− Je préfère te parler à toi, dit-il en se rapprochant du capot sur lequel je suis perchée.

Il se penche en avant, ses mains plaquées de part et d'autre de mes jambes. Je devrais sûrement reculer, à ce jeu-là il gagnera forcément contre moi, pourtant je n'en fais rien. Quand il glisse son regard de mes lèvres à mes yeux, nos bouches sont si proches que je peux sentir son souffle sur la mienne. Irrégulier et chaud, volontairement déroutant.

− Tu me sembles un peu proche pour avoir une discussion. Avoue Dracula, tu as d'autres choses en tête.

L'or de ses yeux semble prendre vie, animés d'un désir vorace qui fait vibrer chaque parcelle de mon corps.

− J'en ai des tas... ronronne-t-il en approchant sa terrible bouche de mon cou.

Un jour ou l'autre, ce maudit vampire aura ma peau. Le pire étant que je risque de la lui remettre moi-même. Je recule, et le repousse d'une pichenette sur le front.

− Pas d'idée salace en public Dracula.

− Dommage, soupire-t-il. Tu ne sais pas ce que tu rates.

− C'est vrai, admis-je sans honte. On n'a pas tous mille ans ici, je n'ai pas ta grande expérience.

Son visage se décompose ce qui me fait éclater de rire.

− Quoi ? Tu n'as pas capté lorsque Melanthe en a parlé ? Le sang de vierge vaut une petite fortune, je devrais en faire un commerce.

− Je n'ai pas mille ans, se renfrogne-t-il comme s'il ne savait pas quoi dire pour se tirer de ce mauvais pas.

− Ah non ? Et quel âge tu as exactement ?

Il hésite, comme si cette vérité lui était aussi insupportable que son propre nom. Le vrai, celui qu'il avait étant humain et qui aujourd'hui le met toujours dans une colère noire.

− Cinq, lâche-t-il après un moment.

J'incline la tête, ne sachant pas trop à quoi ce chiffre est supposé m'avancer.

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