Chapitre 4

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− Qui ça « on » ?

− Des démons... souffle-t-elle d'une voix blanche. Ils sont trois, il faut que j'y aille !

Elle tourne les talons en direction de la sortie.

− Attends !

Sa main s'abat sur la poignée à la fois tremblante et ferme. Effrayée et pourtant bien décidée à défendre sa guilde et sa vie.

− Camille !

Quand elle se retourne, la porte entrouverte, un rugissement bestial résonne dans le bâtiment jusqu'à nous. Mon cœur frappe sauvagement mes côtes, mes poumons peinent à se gonfler et pourtant je tempère ma peur et mon excitation pour lui demander de la voix la plus calme qui soit :

− Suis-je un monstre ?

Elle déglutit, jette un regard à l'extérieur, puis à son téléphone qui ne cesse de vibrer dans sa main et fini par me dévisager.

− Non. Non... je ne crois pas.

− Alors libère-moi.

− Je ne peux pas, pas maintenant, pas comme ça...

− Tu peux et tu le dois si tu tiens un tant soit peu à la vie des gens qui vivent ici. Là-dehors il y a des démons et si je devais parier, je dirais qu'ils sont ici pour moi.

− Pour... toi ? m'interrompt-elle.

J'acquiesce, une légère grimace aux lèvres.

− Question de probabilité, affirmé-je.

− Dans ce cas tu es plus en sécurité ici !

− C'est vrai, admis-je. Par contre, il y a là dehors un Berserk et très probablement un vampire, et eux, c'est vous qu'ils cherchent à tuer. Libère-moi et je ferais en sorte qu'ils n'en fassent rien. J'éloignerai les démons, je calmerais mes amis, j'arrêterai le massacre qui est probablement déjà en train de se produire.

Un autre rugissement de rage vient appuyer mes propos. J'aurais reconnu ce cri n'importe où, quant à savoir pourquoi et comment Declan s'y est pris pour s'introduire ici en compagnie de démons, c'est une question à laquelle il me faudrait trouver une réponse plus tard. Camille hésite, mais je sais qu'elle ne prendra pas le risque de voir un Berserk tuer tous ses proches alors qu'une solution se présente à elle. Si tuer Ash reste un acte « simple » pour un groupe de chasseurs expérimentés, abattre un Berserk enragé relève du miracle. Si les sorcières s'en servaient jadis pour combattre, c'était pour une bonne raison : sous leur forme d'attaque, les Berserk ne peuvent pas mourir. Ils ne sont que fumée, haine et violence, un concentré de griffes, de crocs et de mort qui s'abat sur le champ de bataille et le ravage.

− D'accord. Fais sortir ce monstre d'ici, nous nous chargerons des démons. Si le vampire est ici, je ne te garantie pas que les miens ne l'ont pas déjà abattu.

Je lui souris tandis qu'elle passe un pouce sur le capteur au centre des menottes qui lient mes poignets. Les chaînes auxquelles elles étaient attachées retombent avec fracas sur le sol, bientôt suivies de celles qui entravaient mes pieds. Ash n'est pas le genre de vampire dont il est aisé de se débarrasser. Pour l'avoir déjà vu combattre ses semblables, je sais qu'il est différent. Mise à part que cette fois ce n'est pas de mon sang dont il a dû se repaître pour combattre. Je repousse cette pensée étrangement dérangeante et calque mon pas sur celui, pressé, de la chasseuse.

Ses longues boucles brunes battent en rythme contre son dos à mesure qu'elle accélère le pas. L'une de ses mains est crispée autour du manche d'un poignard que je ne l'avais même pas vu sortir. Sa lame argentée semble presque belle si on oublie que sa sœur jumelle m'a transpercé la cuisse il y a vingt-quatre heures de ça. Nous progressons avec lenteur et pas uniquement parce qu'elle se donne la peine d'attendre ma carcasse amaigrie et affaiblie à laquelle il manque déjà du souffle. Non, si nous traînons, c'est parce qu'au milieu des bruits de lutte qui résonnent dans le bâtiment, un calme étrange cerne le couloir dans lequel nous nous trouvons. Declan a beau être bruyant, ce n'est pas lui la menace que nous redoutons toutes les deux.

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