Let's Bite

Chapitre 18

Les murs de La Purge se dressent plus haut que ceux d'Osen. Ils nous écrasent, littéralement. Recouvrant de leur ombre sinistre le dernier avant-poste et ses environs. Non pas que ce maudit pays ait besoin d'une quelconque muraille pour cacher le soleil, les nuages s'en chargent très bien. Mais ici, au pied de ce titan de béton et d'acier, c'est comme si la nuit elle-même ne finissait jamais.

− Mr Brom vous attend, il n'a pas beaucoup de temps à vous accorder alors ne traînez pas. Son bureau est à l'étage au fond du couloir, nous informe la chasseuse qui nous a accompagnés jusqu'ici. Je vais faire venir une voiture pour votre rapatriement.

− Merci beaucoup Linda, je ne sais pas comment nous aurions fait sans votre aide !

− C'est normal, je n'avais jamais eu l'occasion de discuter avec une consœur de France, ça m'a fait plaisir. J'espère que vous trouverez une solution à votre problème.

La femme adresse un grand sourire à Camille avant de tourner la tête vers moi. Là, sa bienveillance se fige un peu, les civils n'ont rien à faire ici, ma présence la rend nerveuse. Sourire n'étant plus une option depuis quelque temps, je me contente de retrousser légèrement le coin de mes lèvres avant de suivre ma partenaire vers le bâtiment. De nombreux chasseurs nous croisent, et tous sans exception, saluent Camille avec entrain. On pourrait presque croire qu'elle a toujours vécu ici auprès d'eux. Aucun d'eux ne semblent même soupçonner que l'une des leurs puisse être une traitre. Même si ce n'est pas tout à fait le cas, je suis sûre que sa toute nouvelle tolérance aux « monstres » serait vu comme une trahison.

Mais c'est impensable n'est-ce pas ? Tout comme la présence d'un être tel que moi entre leurs murs. A demi humaine, à demi bien plus que ça.

Le bâtiment dans lequel nous entrons ressemble à s'y méprendre à n'importe quel bureau administratif du monde. L'odeur de café et de papier flotte dans l'air, bien loin des standards auxquels m'ont habituée le groupe de Camille. Aucune arme n'est visible, ni sur ceux qui, attelés à leur bureau, se penchent sur d'épais dossiers, ni sur ceux qui discutent dans le couloir.

Nous montons à l'étage sans être intercepté par qui que ce soit. Là, l'agitation est moins importante et la majorité des portes sont fermées. Arrivée devant le bureau du fond, une femme nous précède pour nous installer sur des sièges moelleux qui sentent le vieux cuir.

− Monsieur Brom vous rejoindra d'ici quelques minutes. Je peux vous apporter un thé ou un café si vous le désirez ?

− Non merci, répond Camille pour nous deux.

Elle referme la porte derrière elle, nous laissant seules dans le bureau de son supérieur sans la moindre crainte.

− J'ai du mal à croire que les hommes qu'on a... rencontré puissent venir d'ici, souffle la jeune femme en jouant distraitement avec une grosse bille noire qui traîne sur le bureau.

Je me laisse retomber contre le dossier du siège en observant le petit symbole en forme de trident qui orne la sphère. Je peux presque en sentir l'odeur. Et ça empeste. Comme tout ce qui se trouve ici. Comme chacun d'entre eux.

Je grimace.

− Oh je peux t'assurer que ce sont exactement les mêmes...

− Linda était sympa...

Il n'y a rien à répondre à ça. Linda était effectivement sympa et elle le restera tant que personne ne saura la vérité sur les raisons de notre venue. Comment chacun d'entre eux j'imagine. Comment lui faire comprendre qu'on ne peut pas être qualifié de « sympa » lorsqu'on est capable de faire ce qu'ils font chaque jour aux gens qu'ils considèrent « monstrueux » ?