Chapitre 37

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La douleur ne dure qu'une minuscule fraction de seconde. Ma conscience, elle prend quelques instants supplémentaires avant de s'éteindre. J'entends mon nom, répété en boucle avant qu'il ne perde tout son sens.

À quoi bon avoir un nom lorsqu'on est mort ? Les morts n'ont pas besoin d'en posséder un, ils disparaissent, tout simplement.

*

Alors pourquoi je n'y parviens pas ?

Pourquoi faut-il que je continue à sentir ce poids dans ma poitrine ?

J'en ai fini. J'ai fait ce qu'on attendait de moi ! Alors pourquoi ?

*

− Mave ?

Boum.

− Mave ?

Boum.

− Espèce de garce, réveille-toi !

Boum.

− La ferme Tryg ! Laisse-lui le temps !

Une vague de froid me percute, intense comme un bain d'eau glacé.

− Melanthe, tu es sûre que ça a marché ?

− Evidemment ! Elle était sorcière avant qu'il ne te pousse des crocs espèce de petits con impatient !

Mes muscles se contractent dans une crampe douloureuse. J'ai l'impression qu'on m'écrase le torse, mais j'ai beau essayer de respirer, l'air refuse d'entrer dans mes poumons.

− Qui l'a invité celui-là déjà ?

− Tryg... soupire une voix féminine que je comprends soudain être celle de Camille. Tais-toi.

Boum.

− Regardez ! intervient celle, grave, de Declan.

− Elle respire !

− J'appelle ça suffoquer personnellement.

Une main caresse ma joue.

− Doucement, ça fait longtemps que tes poumons n'ont pas servis, ils ne peuvent pas se gonfler totalement. Laisse-toi du temps.

Du temps ? Comment ça du temps ? Je devrais être morte. Pas ici, en train d'écouter Tryg se chamailler avec je ne sais qui. Pas ici avec les doigts chauds de Ash sur mon visage. Je tente une nouvelle inspiration qui me déchire la poitrine.

− Tout va bien, calme-toi. Eloignez-vous !

Une goutte chaude tombe sur mes lèvres. Elle glisse, s'infiltre et explose dans ma bouche. Du sang.

Du sang !

Je me redresse d'un bond, une violente crampe dans la mâchoire. La lumière m'agresse les yeux, une foule d'odeurs étranges me percute le nez, j'en pleurerais de douleur si mes yeux n'était pas si sec. Le visage de Ash s'interpose dans mon champ de vision. Sa peau couverte de poussière a pris une teinte que je ne lui ai jamais vu, plus rosé, plus vivante. Ses yeux, pareils à du miel luisent de quelque chose qui me donne des frissons. Ma main atterrit par je ne sais quel miracle sur sa joue et descend jusqu'à sa mâchoire avant de glisser sur son cou. Je me fige lorsqu'une légère pulsation frappe mes doigts. Une seconde plus tard, elle refait surface.

J'ouvre la bouche, à court de mots, la gorge si sèche, le corps si profondément bouleversé qu'aucun son ne parvient à passer la barrière de mes lèvres. En douceur, il saisit ma main et la fait migrer jusqu'à sa poitrine. Le choc qui frappe ma paume me fait chavirer. C'est impossible. Je ne peux pas être vivante et lui, lui il ne peut pas être là, le cœur battant à m'adresser le sourire le plus satisfait du monde. Mon frère est mort, je suis morte, le monde devrait avoir été ravagé par Orfe et moi, moi... je ne devrais même plus avoir conscience de tout ça.

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