Chapitre 24

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− Est-ce que ça va ? me demande Camille dès qu'elle me voit émerger du bâtiment dans lequel Melanthe a choisi d'invoquer Orfe.

J'hoche la tête sans un mot. Elle ne peut pas voir ce qui orne mon poignet, personne ne le peut en dehors des fées, d'Orfe et de moi.

− Tu es pâle, me reproche Darin en se plantant sur ma route.

− Ce n'était pas une expérience plaisante, mais ça va je te jure. Je suis vivante non ? C'est tout ce qui compte.

La chasseuse repousse gentiment le sorcier pour me permettre d'avancer. Elle passe un bras sous le mien et serre doucement ma main en signe de soutien. Je grimace lorsqu'elle appuie involontairement sur la marque démoniaque.

− Tu as eu ce que tu voulais ?

− Oui. Et vous ?

Camille acquiesce avec un soupir résigné.

− Elles coopèrent et ne cherchent plus à s'entretuer, j'imagine qu'on peut difficilement en demander plus. Tu es sûre de ne pas vouloir prendre un peu plus de temps pour te reposer ? Personne n'y verrait d'inconvénients.

Je secoue la tête. Darin reste silencieux, mais je vois à son regard dur que ma réponse ne lui plaît pas.

− Non, en restant je mets les clans en danger, les démons pourraient remonter ma trace jusqu'ici à n'importe quel moment. Je dois rester en mouvement.

− Tu vois ? Je te l'avais dis... maugrée-t-elle en jetant un regard vers le sorcier. Cette fille ne se repose que dans la mort.

Je laisse échapper un petit rire. Elle se trompe bien sûr, la mort n'a franchement rien de reposant, mais j'évite de lui faire remarquer. Darin ne fait aucun commentaire, il se contente de nous suivre, à peine plus crispé que d'habitude.

A mesure que nous nous éloignons du clan d'Era et des racines de Beti, la ville change de visage. Les ruines désertes et obscures deviennent florissantes, elles se parent de fleurs aux couleurs chatoyantes, de lierres géants et d'innombrables routes d'herbes fraîches. L'œuvre de Melanthe sans aucun doute. Elle avait à peu de chose près opérer les mêmes changements dans son quartier à Osen.

Camille a depuis longtemps abandonné mon bras pour s'approcher de tout ce qui sort de l'ordinaire. Sa curiosité maladive soudainement satisfaite de découvrir le produit d'une magie dont elle ignore tout. Ses yeux brillent, émerveillés. Je ne peux m'empêcher de sourire devant tant d'entrain, il y a encore peu de temps je pensais ne plus jamais la voir ouvrir les yeux.

− Je dois avouer que c'est pas mal, commente Camille en contemplant un lampadaire colonisé par une plante grimpante aux lourdes feuilles turquoise.

− Ces plantes sont carnivores, fait remarquer Darin d'une voix lugubre.

Lui, évite soigneusement le contact avec cette nature enchanteresse en suivant la minuscule ligne de béton laissée intacte au centre de la route. Pour ma part je ne crains pas plus ces plantes que les racines de Beti, car pour le moment, leurs maîtres sont dans mon camp.

− Et pas la tienne peut-être ? grommèle Camille en longeant un banc recouvert de petits pissenlits qui suivent notre avancée comme une meute de chiens aux aguets.

Il lui jette un regard vexé.

− Non.

La chasseuse plisse le nez d'un air dégoûté vers la minuscule Beti accrochée au cou de Darin.

− Ouais, bah elle a essayé de nous pendre c'est pas mieux.

Tel un serpent, la racine ondule sur les épaules de son maître et rampe en douceur jusqu'à son bras. Je mentirais en affirmant que la voir se comporter ainsi ne me remplit pas d'effroi. A choisir, je crois que je préfère encore les plantes trompeuses de Melanthe plutôt que cette petite chose grouillante et noueuse. Elles auraient au moins le mérite de m'éblouir un peu avant de tenter de me tuer.

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