Chapitre 28

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J'ignore si ce sont des larmes où la pluie qui dévalent mes joues. Je ne vois rien, je ne suis même pas sûre d'avoir encore un corps au-delà de cette lumière qui semble émaner de moi et qui en même temps provient de bien plus loin. D'un côté je m'en fiche. Je me sens si bien sur le moment que je pourrais rester ici à jamais. Mais petit à petit les détails de la réalité refont surface : Le sol humide sous mes fesses, le contact glacé de mon pull trempé, la morsure du froid sur mes joues et la douleur pulsant dans mes muscles, qui me tire et me brûle.

Puis en douceur, comme si elle-même hésitait à me quitter, la lumière décroît, ne laissant derrière elle qu'une vulgaire croix tiède sur ma poitrine. Je respire par à coup, pas tout à fait certaine d'en être encore capable. Mais il n'y rien, pas la moindre entaille supplémentaire sur mon corps. Le démon n'est jamais allé au bout de son attaque. Mes yeux balaient la rue à la recherche du démon ou de tout assaillant attiré par l'étrange phénomène qui vient de me sauver la vie. Un léger soupir m'échappe quand je me rends compte qu'il n'y a rien. Rien d'autre qu'un mur de pluie, des bâtiments obscurs et silencieux et cet étrange calme qui noie peu à peu ma terreur.

Je me redresse avec lenteur, mon mollet proteste à chaque geste et mes bras supportent difficilement la manœuvre. Mon cœur bat encore comme un fou dans ma poitrine, mais le démon a disparu. La question est de savoir si je l'ai fait fuir ou si par un étrange miracle, cette lumière en est venue à bout. Je préférerais qu'il s'agisse de la deuxième option, je me vois mal réitérer cet exploit alors que j'ignore comme je m'y suis prise.

Je baisse les yeux vers ma sauveuse. Mes doigts tremblent lorsque je l'ôte de mon cou pour l'analyser d'un peu plus près. Je n'y vois rien, ni gravure, ni signe particulier. Comment est-elle arrivée là ? Je suis absolument certaine de l'avoir abandonnée dans la boue à plusieurs kilomètres d'ici.

Je retourne la question dans ma tête depuis quelques minutes, durant lesquels je me suis difficilement traînée dans la rue voisine, quand une forme attire mon attention.

− Et voilà, tu peux être fière de toi, tu viens de gâcher mon entrée !

Je reste bêtement immobile, à deux doigts d'accuser la douleur de me faire imaginer des choses.

− Tu pourrais au moins avoir l'air contente. J'ai pris des risques de dingues pour...

Je lui saute dessus. Mes bras se referment sur lui et serrent si fort qu'ils me font mal.

− Ok... Dit-il, le corps tendu. J'avoue que je disais ça pour rire. Je pensais que tu tenterais plutôt de me tuer, ou au moins de me frapper. Tu t'es pris un coup sur la tête ?

Je lui en donne un petit sur le crâne. Pourquoi faut-il toujours qu'il cherche à m'énerver ? Maudite fée... Après un moment, je m'écarte tout en m'aidant de ses épaules pour garder l'équilibre.

− Tryg, espèce de... je n'arrive pas à croire que tu sois ici. Comment est-ce que tu m'as trouvé ?

− Tu m'as fait un appel de phare, je n'ai pas pu résister.

Je le dévisage une seconde avant que l'évidence ne me frappe de plein fouet.

− C'était toi ! Mais quand ? Comment ?

Un petit sourire satisfait lui fend le visage. Il a repris celui auquel je me suis habituée durant notre voyage jusqu'ici et j'ignore pourquoi, mais ça me rassure. Je crois qu'une part de moi a besoin qu'il s'identifie à un être humain, au moins assez pour me faire oublier ce qu'il pourrait être le reste du temps.

− Je t'ai bousculé, explique-t-il en chassant les cheveux dégoulinant d'eau qui me tombent devant les yeux. Et tu m'as ignoré comme un malpropre.

− Quoi ? Je... Oh. C'était toi !

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