Chapitre 31

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− Mave...

Un mot. Il lui suffit d'un mot pour balayer la colère sourde qui incendie mon esprit. Elle retombe immédiatement, comme soufflée, insignifiante face à mon soulagement. Seule ma nuque pivote vers Ash, le reste de mon corps, dans sa douleur, n'est plus capable de bouger. Je tremble face à son regard. L'or de ses iris accroche ma conscience et l'ancre dans le monde réel. Un monde où des corps nus, blessés et gémissants se tordent dans une mare de sang sous le regard furieux de quelques Loups entravés par Beti. La foule qui nous entoure n'en est plus une, cinq individus, voilà tout, tous pétrifiés devant la scène.

− Mave... répète Ash d'une voix suppliante.

Je m'accroche à sa voix, mais je n'y parviens pas. Je n'arrive pas à faire abstraction de la douleur dans ma poitrine, dans ma gorge et de celle, pire encore, de ceux qui m'entourent. Mon regard s'égare, j'aperçois Teddy face contre terre à quelques mètres à peine. Je ravale un sanglot, horrifiée par ce que j'ai fait. Je me tourne vers Logan avec un frisson d'effroi et plonge mon regard dans le sien. Le noir de ses pupilles dilatées lui dévore les yeux, mais lui ne me regarde pas. Il ne voit rien, il n'essaye même pas. Sa bouche ouverte laisse échapper un filet de bave tandis que son corps encore frémissant de sa récente transformation se tord sous la pression de Beti.

Je tente d'articuler son nom, mais seul un chuintement pathétique s'échappe de ma gorge déchiquetée. Teddy a tenté de me tuer. Logan a tenté de tuer Ash. Et moi, moi... je leur ai infligé bien pire. Je leur ai tout pris.

Des larmes amères inondent mes joues, je tremble si fort désormais que mes dents claquent les unes contre les autres. Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que j'ai fait ? Quel genre de monstre suis-je devenue ?

− Mave, assène la voix de Ash, plus ferme.

Je réponds par instinct et me tourne de nouveau vers lui, fuyant le résultat de ma colère. Il n'y a rien sur son visage en dehors de la douleur qui me laisse penser qu'il me juge.

− Arrête, gronde-t-il d'une voix rendue rauque par la souffrance que lui impose le fait de se redresser.

Son mouvement tire sur ses plaies qui se remettent aussitôt à saigner. Je suffoque à la vue de son sang. Son odeur m'énivre, me blesse, m'attire et me révulse à la fois. L'envie de le lécher, de me repaître de la moindre goutte me transperce et avec elle celle de fuir, d'arracher les crocs qui me démangent avec tant d'ardeur et de disparaître. Je recule en gémissant.

− Mave, s'il te plait, calme-toi. Rien n'est de ta faute.

Rien ? Bien sûr que si. Il a peut-être tué nombre d'entre eux, mais ce sont mes mains qui ont arraché l'âme de ceux qui ont un jour été mes amis. Mes amis. Est-ce que ce mot à encore la moindre valeur pour moi ? Est-ce qu'il a un sens ? Amis, alliés, ennemis, ils se retrouvent tous un jour où l'autre à mourir par ma faute.

− Je t'interdis de t'en vouloir.

Chaque mot, chaque mouvement, le fait souffrir, pourtant il persiste à se remettre debout et à me rejoindre, vacillant, déterminé. Il s'arrête face à moi, pose une main sur mon épaule, m'attire contre lui et me force à enfouir mon visage dans son cou. Mes sanglots deviennent déchirants lorsque la seule chose que m'inspire sa peau froide contre la mienne est l'envie de me nourrir de lui.

− Ash, je croasse d'une manière ignoble. Tue...moi.

Il sursaute et s'écarte pour me dévisager comme si j'étais devenue folle. Oui, c'est une certitude, je suis folle et j'ai pris une éternité à m'en apercevoir. Je le supplie du regard, incapable de le faire avec des mots.

Let's BiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant