Je ne sens plus mes bras. A vrai dire, je ne sens plus grand-chose. J'ai l'impression d'être à moitié consciente de ce qui m'entoure. Je sens le bois rêche contre ma joue, l'odeur de résine et celle plus âcre du sang séché, mais il m'arrive d'oublier et de me réveiller surprise par ces sensations. Les heures s'écoulent aussi lentement que des jours entiers. J'en perd le fil. Parfois une crampe violente vient me mettre au supplice, mais recroquevillée comme je le suis dans cette boîte, je ne peux rien faire d'autre que de gémir. Il m'arrive d'essayer de bouger. Quelques centimètres à peine, par pur réflexe pour me soustraire à la douleur de l'immobilité, mais c'est là que s'éveille une toute autre forme de souffrance. Les tiges en métal qui sont toujours plantées dans mes bras raclent le bois de la caisse qui me sert de prison et s'acharne contre ma chair et mes os. Mes larmes inondent mes joues et finissent leur course sur mes lèvres. J'ai si soif que je les avale avant d'être rappelé à l'ordre par le goût du sel sur ma langue sèche. Puis je perds de nouveau le fil et répète le même schéma une petite éternité plus tard.
Il m'arrive de revoir Darin mourir. Il m'arrive même de pleurer pour lui, mais la majorité de mes larmes sont pour moi. Tryg devait avoir raison.
Je suis égoïste...
J'aimerais être morte. C'est hypocrite bien sûr. La mort n'est plus qu'un mot pour moi, un mauvais moment à passer. Darin, lui, ne va pas se réveiller un peu engourdi après une longue sieste. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'Antonia ne m'a pas tué. Elle ne veut pas que j'échappe à la douleur. Je la vois encore se dresser face à moi en traînant le corps sans vie du sorcier. Son crâne contre le béton, son sang dans son sillage et cet insupportable vide dans son regard.
À cause de moi.
Parce qu'une fois de plus j'ai été naïve. Arrogante ! Parce que j'ai voulu croire que les choses allaient forcément s'arranger, aveuglée par cette idée que tout le monde aspire à être libre. Mais les fées n'aiment rien de plus que les cages. Celles qu'elles tissent à chaque instant pour les autres et pour elles-mêmes.
Quand des voix percent enfin le silence qui m'entoure, je ne peux m'empêcher d'être soulagée. Je sais qu'elles n'apporteront rien de bon, pourtant sur le moment, tout me paraît préférable à cette boîte. Je savoure la brûlure de la lumière sur mes yeux, et tousse en sentant l'air pur s'infiltrer jusqu'à mes poumons. Une main m'agrippe la jambe et tire d'un coup sec. Le métal me déchire les bras, mais finit par s'extirper à son tour de la caisse. Sonnée par ce brusque retour à la réalité, je n'entends rien d'autre que le tintement de mes entraves sur le sol. La douleur manque de me faire vomir.
− Enlève lui ça, maugrée Antonia en donnant un coup de pied dans mon bras droit.
Je suffoque de douleur, soudainement consciente de l'état de mes membres. L'immonde trou qu'elle y a fait, le sang, les chairs boursouflés et le début de nécrose qui marque la limite avec la peau saine et livide qui entoure la plaie. Quelqu'un me saisit et me redresse, son regard croise une seconde le mien. Je reconnais ses yeux rouges mais pas son visage. Je l'ai épargné le jour où lui et ses sbires nous ont attaqué à Osen, je me souviens de cette lueur dans son regard, ce mépris mêlé de curiosité.
− Kraven...
Il sourit en entendant son nom s'échapper de ma bouche. Puis d'un geste sec, il arrache les pieux métalliques de mes avant-bras. Je hurle tandis qu'il m'empêche de basculer en avant. Ma respiration saccadée et mes tremblements attirent l'attention d'Antonia.
− Elle n'a pas intérêt de crever. Fais quelque chose espèce d'abruti !
− Elle ne va pas mourir, réplique l'autre vampire d'un ton sec. C'est juste le choc, ça va passer.
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Let's Bite
VampireMave doit retrouver son frère. Quoi qu'il en coûte. Mais surtout, elle doit mettre la main sur cet ange qui joue avec sa vie. Une tâche ardue, d'autant plus lorsque les chasseurs s'en mêlent et donnent la chasse au Vampire et au Berserk qui l'accomp...