Chapitre 35

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J'embrasse la scène du regard, contemple le carnage causé par les Beserks dans les rangs ennemis et découvre avec surprise le corps de l'un d'eux. Je reconnais son visage pour lui avoir demandé plusieurs fois dans les dernières heures de bien vouloir arrêter de fixer Ash comme s'il voulait en faire son déjeuner. Bizarrement, je restais persuadée que les Berserks faisaient office d'êtres immortels au sein de ce chaos qu'est devenu le monde. Un être qu'on ne peut vaincre, une créature qu'on ne peut tuer... Pourtant j'ai la preuve sous les yeux que rien, pas même eux ne peuvent réellement se prétendre immortels.

Je ne comprends cependant la nature de ses blessures qu'au moment où j'aperçois un second Berserk, toujours sous forme d'Ours, se battre le corps rendu rougeoyant par la lave qui le recouvre. Les ombres qui constituent son corps se dissipent peu à peu, dévorées par le feu dévorant de Tryrin alors qu'il ronge peu à peu la cuirasse d'os qui protège l'homme.

− Où est Declan ?

− Là, dit Tryg en désignant l'un des ours les plus atteints.

Sa gueule est couverte de ce feu solide, et même si je suis certaine qu'il ne ressent aucune douleur, je vois sans difficulté les fissures qui se dessinent dans son armure. Je serre la croix dans ma main jusqu'à la sentir s'enfoncer dans ma peau. Un soupçon de peur me saisit à la gorge.

− Je ne sais toujours pas quoi faire avec ça. Comment on peut tuer un truc qui n'a même pas de vrai corps ? Tu es son frère, tu n'aurais pas moyen de le refroidir un peu ?

− Je ne compte pas te faire un cours sur les fées, mais le principe de « traits familiaux » te dit peut-être un truc ? Si je me bats, je risque surtout de nous faire gagner quelques degrés.

Je le dévisage une seconde avant qu'un bras ne me force à me baisser pour éviter le corps voltigeant de quelqu'un.

− Ne me dis pas que tu es un truc de lave toi aussi ?

− Ok.

− Quoi ok ?

− Je ne te le dis pas.

J'en reste sans voix. L'imaginer dans un corps – si on peut appeler ça ainsi – comme celui de Tryrin me perturbe plus encore que de le voix changer de sexe à volonté.

− Bon alors tu comptes l'utiliser ta croix ? où on attend de voir si on peut utiliser les braises de Declan pour se faire cuire un truc ?

Les restes branlants d'un petit immeuble s'écroulent avec fracas, projetant un nuage de poussière sur le champ de bataille. Les Berserk et les fées disparaissent de ma vue. Je bloque ma respiration, tente de faire abstraction de ces innombrables grains au goût âcre de terre qui se déposent sur ma peau, recouvrent mes lèvres et glissent jusqu'à mon nez. Les yeux obstinément fermés, je ne discerne plus que les bruits de lutte autour de moi et la panique rejaillit entre mes côtes. Tryrin tuera Declan pour atteindre Tryg, et personne ici, pas même Ash ou Melanthe ne peuvent y faire quoi que ce soit. Syrinne aurait peut-être pu, une reine face à un roi, mais elle se bat, loin d'ici, pour contenir le flot de métamorphes qui nous ont assaillis dès notre arrivée dans l'arène.

Dans ma main, ce ridicule morceau de métal en forme de croix semble chercher à me percer la peau tant je le serre avec force. Tryg aura beau dire ce qu'il veut, je n'ai jamais réussi à sortir autre chose qu'une lumière aveuglante de cette chose et je ne pense pas que ce soit la solution à notre problème. Je ne vois même plus ce stupide roi Fae ! Je m'agite, la poitrine en feu. Si ce nuage ne retombe pas rapidement je devrais respirer et pour une raison que je ne m'explique pas, je sais que cette poussière pourrait m'être mortelle. Tout ce qui se trouve entre ces maudits démons et nous le sera.

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