Let's Bite

Chapitre 17

− Pas de morts, lâché-je d'une voix ferme.

− Qu'est-ce que...

Mon voisin n'a pas le temps de finir sa phrase avant que Ash ne réduise en morceau la barre métallique qui lui bloque la bouche. Il crache les débris au visage du chasseur dont la voix se réduit à un couinement apeuré. Puis d'un seul mouvement il se lève, arrachant les chaînes qui l'ancrait à son siège avec une facilité terrifiante.

Du métal face à un vampire gorgé de sang humain ? Risible...

De son côté, Tryg se tortille avec rage et parvient tant bien que mal à faire sauter les maillons de ses propres entraves. Declan, lui, ne se décide à bouger qu'au moment où l'un des chasseurs s'empare de son arme pour la pointer droit vers le cœur de Ash. Il ne lui faut qu'une seconde. Une minuscule seconde et un regard dans ma direction pour libérer la bête. Le fourgon bascule, comme écrasé sous le poids du Berserk. Les roues avant se soulèvent, envoyant tous ceux qui n'ont pas le privilège d'être enchaînés à leur siège heurter les portes. Les parois du véhicule craquent et cèdent dans un vacarme atroce. Le froid surgit, humide et glacé, il nous gifle un court instant avant que le fourgon ne quitte la route. Ma tête bascule, cogne une surface dure avant d'être violemment renvoyer en avant. Un cri m'échappe lorsque mon corps se retrouve soudainement libre, libéré des entraves qui l'empêchait d'être fracassé.

Puis tout disparaît, le bruit, la gravité, le froid. Il ne reste rien hormis la sensation brûlante d'un corps pressé contre le mien. Je reste pétrifiée une éternité avant d'oser détendre mes muscles et ouvrir les yeux. J'ai beau savoir le danger passé, la peur cingle encore mes veines avec force, envoyant mon cœur marteler mes côtes douloureuses.

− Tout va bien, ronronne la voix grave de Ash à mon oreille. C'est fini.

Je me mords la joue et force mes yeux à contempler le monde. La route déserte battue par une pluie diluvienne, le fourgon éventré échoué sur le bord de la route, les corps éparpillés de ses occupants. Je bats des cils pour en chasser l'eau. Tryg est là, empêtré dans les chaînes qu'il a n'a pas réussi à briser, l'épaule retournée. La pluie laisse de longues traînées ensanglantées sur son visage, colorant ses cheveux blanc d'une teinte pourpre sinistre. Pourtant il sourit en observant la scène.

Je réalise avec un temps de retard que ce qui l'amuse se trouve être un ours immense dont le corps fait de fumé se déforme sous le vent puissant qui balaye la route. Face à lui, un chasseur blessé tente tant bien que mal de ramper en dehors du fourgon. Et juste à côté, inconsciente mais encore ficelée à son siège, le corps de Camille pend étrangement vers le sol.

− Camille, coassé-je.

Ash suit mon regard et l'or de ses yeux vacillent un instant à la vue du Berserk.

− Tu peux t'occuper de lui ?

− Évidemment, rapproche-moi, vite, il faut que je le touche.

Il obéit sans la moindre protestation et le sol se précipite sous ses pieds. Quand il me dépose aux côtés de Declan, mon ventre se tord face à la furieuse nausée qu'a provoqué son horripilante vitesse vampirique.

Je réalise à peine que la gueule écumante de rage du Berserk claque devant mon visage. Ses yeux jaunes me transpercent de toute leur rage, mais lorsque ma main plonge dans la fumée, à l'intérieur même de la malédiction qui l'anime, le calme balaye la fureur. Une énième chaîne glisse entre mes doigts, mais celle-ci n'est ni réelle, ni solide et d'une simple pression, elle se délite à mon contact. Alors quand le vent souffle de nouveau, la fumée se dissipe, emportant avec elle la cuirasse immortelle du Berserk pour ne laisser qu'un homme à bout de souffle.