La voie du crime [Hanma x OC x Bonten]

41 - Mikey

Un coup fut frappé à la porte de son bureau et le battant s'ouvrit sans attendre de réponse. Kyôko leva les yeux de son ordinateur pour découvrir Mikey. Ce dernier s'immobilisa, la poignée dans la main, et il la regarda.

– Tu es au courant que tu es censée te reposer ? Lui dit-il.

Il entra et Kyôko leva une jambe de derrière son bureau pour lui montrer un de ses grosses chaussettes.

– Je suis en pyjama, dit-elle. Donc ça n'est pas du travail.

Il esquissa un sourire et il alla s'asseoir sur le canapé. 

Il posa sa cheville sur son genou et se laissa aller contre le dossier en soupirant. 

Les cernes sous ses yeux étaient plus sombres que jamais, remarqua Kyôko. Jamais on aurait dit que c'était elle qui s'était faite passer à tabac une semaine plus tôt.

– Tu as besoin de quelque chose boss ? Lui demanda-t-elle.

Il secoua la tête.

– Non, rien de spécial.

Il n'ajouta pas un mot. Mikey était le spécialiste des silences qui mettaient mal à l'aise. Kyôko était certaine qu'il ne s'en rendait même pas compte. Avec les années, elle s'y était habituée, cela participait de son aura, mais il lui semblait que ce trait de son caractère était de plus en plus marqué.

– Comment est-ce que tu vas ? Finit-il par lui demander.

– Ça n'est pas encore la grande forme, dit-elle, mais ça va mieux.

– Tu as fait du bon boulot, là-bas, dit-il. Tout le monde le reconnaît.

Kyôko ramena les yeux sur l'écran de son ordinateur.

– Moi pas, dit-elle.

– Comment ça ?

– Si j'avais fait du bon boulot, dit-elle, je ne te devrais pas la vie. Je ne me serais même pas retrouver en position de risquer de me faire tuer. Si j'avais fait du bon boulot, tu aurais eu les infos bien plus tôt et tu aurais le temps de prendre les décisions qui s'imposent. Dans cette histoire, je n'ai pas envie de dire que j'ai fait du bon boulot.

Elle releva les yeux vers lui.

– Mmh, je vois, dit-il.

Il se leva pour s'approcher de la baie vitrée derrière elle. 

Les mains dans les poches, il contempla la vue sur Tokyo, illuminé par le soleil levant.

– La bonne nouvelle, reprit-elle, c'est que j'apprends de mes erreurs. Je ferai en sorte que ça ne se reproduise plus boss.

Mikey ne répondit pas.

– Tu te souviens, dit-il un moment plus tard, du travail que je t'ai demandé d'accomplir pour moi quand tu as intégré l'organisation ? Garder un œil sur eux et t'assurer qu'ils vont bien.

Kyôko jeta machinalement un regard sur la pochette cartonnée qui ne quittait jamais son bureau.

– Je n'ai pas oublié boss, dit-elle.

Depuis bientôt six ans, elle surveillait depuis l'ombre les anciens membres du Toman et faisait régulièrement un rapport à Mikey. La vie de ces garçons n'avait aucun secret pour elle, alors qu'aucun d'entre eux n'avait jamais entendu son nom.

– Je peux te demander un service ? Reprit Mikey. Continue de veiller sur eux quand je ne serai plus là.

Kyôko se tourna à demi sur son siège. 

Elle contempla le dos de Mikey, dont la silhouette était découpée par les rayons du soleil levant. Il dut sentir le poids de son regard parce qu'il lui adressa un sourire par-dessus son épaule.

– Ne fais pas cette tête, lui dit-il. Je n'ai pas l'intention de mourir tout de suite. Simplement, je n'ai personne à qui le demander.

Durant un instant, son sourire laissa apparaître l'adolescent qu'il avait été, mais le Mikey d'alors disparut si vite que Kyôko douta l'avoir aperçu. 

Elle se ressaisit.

– C'est d'accord, dit-elle. Je continuerai à veiller sur eux quoi qu'il arrive. Je te le promets Mikey.

– Je te remercie.

Il abandonna la baie vitrée pour se tourner vers la porte. 

Au moment où il saisit la poignée il lui dit :

– Pense à te reposer un peu quand même.

Puis il sortit sans attendre de réponse.

Je n'ai personne à qui le demander.

Ces mots tournaient en boucle dans la tête de Kyôko. C'est vrai au fond, à qui pourrait-il demander cela ? Sanzu ? Koko ? Aucun d'eux n'en aurait rien à faire. Il en allait de même pour Shuji ou les frères Haitani. Sans parler de Mochi. Les anciens Black Dragon ou Kakucho l'écouteraient peut-être, mais jamais ils ne comprendraient pourquoi Mikey était encore tellement attaché à des gens du passé.

Parce que c'est dans ce but que le Bonten a été créé.

Kyôko avait acquis cette certitude des années plus tôt. Mikey avait mis sur pied la plus grande organisation criminelle du Japon pour veiller sur une poignée de personnes qui ne devaient jamais rien en savoir.

Par moment, Kyôko se disait que Mikey était trop gentil pour ce monde. Pas celui qui tenait les rênes du Bonten, non, celui-là pouvait tuer sans le moindre remords, mais l'autre, ce garçon qu'elle avait cru apercevoir un instant plus tôt. Celui qui était horrifié par le monstre qu'il abritait en lui et qui avait décidé de l'utiliser pour protéger ses amis, quitte à ne plus jamais revoir leurs visages.

Tous les cadres du Bonten avaient cette graine de folie en eux, elle la première, mais Mikey était le seul qui avait encore cette part de lumière qui leur faisait défaut à tous.

Et c'était cela qui le déchirait et le tuait à petit feu.

Elle attira à elle la pochette cartonnée qui contenait les renseignements sur les anciens membres du Toman et feuilleta son contenu. 

Elle arrêta son regard sur une feuille plus chargée d'annotations que les autres.

Takemichi Hanagaki.

Quelques années plus tôt, Kyôko avait commencé à enquêter sur lui, mais elle n'avait rien trouvé. 

Hanagaki était un garçon un peu simple. Il travaillait dans un vidéo club et il était pressenti pour en devenir le nouveau gérant. Sa relation avec Hinata Tachibana se poursuivait, même si tous les deux n'étaient pas mariés. C'était un sujet qu'ils abordaient parfois ensemble, mais rien ne semblait encore décidé. Alors que six ans auparavant Hanagaki avait été au centre des affaires concernant le Toman et l'une des personnes les plus proches de Mikey, il n'avait plus jamais tenté d'entrer en contact avec lui. Comme s'il lui était devenu un parfait étranger.

Kyôko n'avait pas réussi à découvrir la raison de son étrange comportement. Mais ce qui la surprenait plus encore, c'est que Mikey trouvait son attitude tout à fait normale. 

Ces deux-là partageaient un secret dont le poids reposait aujourd'hui entièrement sur Mikey.

Il était peut-être temps de reprendre les recherches de ce côté.